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Qui est-ce qui sait donc que je ne pense pas ?
Qui est-ce qui niera que je ne sois poète,
lorsque des poissons d’or s’agitent dans ma tête
ainsi que des pensées qu’obscurcit le brouillard,

le brouillard qui descend ainsi que l’Inconnu,
et qui est ce voile jeté sur toutes choses
qui fait qu’on ne sait jamais où ont disparu
les bateaux qui pleuraient au vent comme des hommes.

UN BATEAU

Je vais, car je suis poète, sur une terre qui bouge
et qui est la mer où volent les poissons,
et sur qui nagent les oiseaux aux ailes longues
et molles comme les flots qui se courbent.

On dit que le poète porte à la main une lyre.
Moi, j’ai des cordes tendues où chante le vent,
et le vent n’est-il pas la voix de Dieu, autant
que celle du poète qui ne l’a que par Lui ?

J’ai le corps du poète au fond de la mer :
le bateau mort a des côtes comme les hommes ;
et, ma voile, comme un mouchoir à une femme
dit au revoir, salue quelque pieuvre cruelle.