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Il est loin, le jardin d’Été où sont les sauges,
où, près des tomates écarlates et des roses,
tombait le triste et blanc calme des Dimanches chauds.

Il est bien loin ce jour où j’ai pensé à toi
avant de te connaître, en traversant les bois,
mes chiens devant, sous le mouillé soleil matinal.

Alors, la noire épaisseur des feuilles ne laissait
que par moments entrevoir la vue, et c’était,
dans mon cœur et mes yeux, la clarté des vallées.

Alors, c’était des montagnes claires comme la pensée
la plus pure, c’était des pics violets,
c’était un tremblement rose sur les sommets.

C’était des larmes dans mon cœur et des sourires
plus divinement doux que ceux des petites filles
qui essaient sagement leurs premières aiguilles.

Il est bien loin ce jour où j’ai pensé à toi,
où, dans mon âme, planèrent comme des voix
d’anges, quand j’eus franchi la lisière du bois.