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Amaryllia se promenait à mon côté.
Soucieuse, elle saisit ma canne d’ébène,
comme en devaient avoir, au déclin des Étés,
les vieux rêveurs comme Bernardin de Saint-Pierre.

Elle me regarda et dit : « Comme je t’aime…
« Je ne me lasse pas de répéter ces mots…
« Dis-moi encore que tu m’aimes ». Je dis : « Je t’aime… »
Et mon cœur tremblait comme de noirs rameaux.

Il me sembla alors que mon amour pour elle
s’échappait en tremblant dans le jour rose et mûr,
et que j’allais fleurir, derrière les doux murs,
les sabres des glaïeuls dans les tristes parterres.

Vers elle, je penchai ma lèvre, mais sans prendre
le baiser qu’elle s’attendait à recueillir.
Ce fut plus tendre encore qu’une guêpe chantante
qui voudrait sans vouloir se poser sur un lys.

C’était l’heure où l’on voit les premières lumières
éclairer la buée des vitres, dans les chambres
où, penchés sur un atlas clair, les écoliers
peignent l’Océanie avec des couleurs tendres.