Page:Jammes - De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il parlait avec une respectueuse cérémonie
aux principaux de la ville et au chef de la guerre.
Il était bon, sans familiarité vulgaire,
avec les gens du commun et mangeait leur riz.

Il se plaisait aux choses de la Musique,
mais préférait les instruments de simple roseau
cueilli près des marais de vase douce et jaune
où l’oiseau sans nom qui fait yu-yu se niche.

Il se permettait, pour le bien de son estomac, les épices.
Il aimait, vers le soir, à discuter de belles sentences,
et il aurait voulu qu’on suspendît aux potences
qui servent aux lanternes, des moraleries.

Il parlait peu d’amour, davantage de la mort,
quoiqu’il déclarât que l’homme ne peut la connaître.
Il aimait voir les jeunes gens à la fenêtre,
les trouvant bien, à demi cachés par les ricins gris mais rouges.

Le soir il allumait des baguettes de parfum,
puis tournait gravement un moulinet où les prières
s’enlaçaient comme de belles pensées dans la cervelle
d’un jurisconsulte ou d’un poète de talent.