Page:Jammes - Clairières dans le ciel, 1916.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


32


Ainsi que Crusoë dans son île déserte,
le poète guette, à l’amère solitude,
quelle voile apportera la béatitude
à son exil. La mer, comme une porte ouverte,
semble donner l’espoir qu’apparaîtra soudain
le bateau qui rira à l’horizon d’étain.
Et la fièvre prend le poète sur la grève.
Il croit voir cette voile. Il n’y a pourtant rien
que le toujours pareil si accablant du rêve.
Le poète agonise. Il a soif, il a faim,
sa passion lui tend du fiel et du vinaigre.
Et les seuls fruits offerts au naufragé par Dieu,
ce sont les fruits des cinq Mystères douloureux :