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oublient leur passé n’aurait certes rien de bien dangereux si elle n’avait pour résultat de les amener à traiter les Coréens comme des êtres inférieurs. Dans les trois ports ouverts de la Corée, les sujets du Mikado ont pris, à l’égard des indigènes, une attitude fort peu d’accord avec leurs prétentions à la civilisation. Peu leur importent les lois immuables de droit naturel ! Dès qu’un Coréen se refuse à leur vendre ses marchandises, à un prix fixé par eux, vite ils vont se plaindre à leur consul qui, sous le prétexte que ledit Coréen s’est montré hostile aux étrangers, oblige les autorités coréennes à forcer leur administré à conclure un marché très onéreux pour lui. Dans certaines circonstances, les Japonais ont même forcé le gouvernement coréen à abroger des règlements temporaires qui avaient été promulgués dans le seul but d’assurer la tranquillité du pays, et cela parce que ces règlements apportaient quelque entrave aux relations commerciales des sujets du Mikado.

Les Japonais, dans leurs rapports avec les Coréens, se sont donc laissé entraîner dans une voie qui les éloigne de plus en plus de la civilisation, et qui pourra faire naître, dans un avenir plus ou moins éloigné, des complications fort graves. Et cela vient de ce que le Mikado, à l’imitation de plus d’un de ses cousins de l’Occident, oublie trop facilement que tout arrangement international par lequel une des parties contractantes est lésée d’une façon permanente ne peut avoir qu’une existence éphémère ; il disparaîtra du jour où la partie lésée, soit par son relèvement, soit à l’aide d’alliances, sera en état de reconquérir son indépendance. Les Japonais, après avoir refusé aux Coréens le droit de faire la police dans leur propre pays, ne tarderont sans doute pas à regretter ce chauvinisme mal placé qui leur enlèvera toute espèce d’influence à la Cour de Séhoul, le jour où cette dernière se sentira conseillée et protégée par des nations plus prudentes et mieux avisées que le pays du soleil levant, qui se contenteront de lui imposer des conditions compatibles avec son indépendance et les intérêts de ses sujets.

En nous quittant, à la concession, Mouchachia nous invita à aller le voir ; il a, nous dit-il, une charmante maison où nous pourrons agréablement passer la soirée car elle est située à peu de distance d’une Joroïa, — sorte de paradis de Mahomet japonais, où l’on trouve des danseuses et des musiciennes qui vont dans les