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demander de chercher dans le calendrier un jour propice pour « essayer les talents » de ma future. L’astrologue, grâce aux présents que lui fit mon père, fixa une époque assez proche, et, ce jour venu, ma mère envoya à la jeune fille de superbes robes brodées qu’un de mes frères avait rapportées de Pékin, où il avait été avec les porteurs de tribut. À ces robes, elle joignit tout ce qui est nécessaire pour faire un costume d’homme complet. Quelques jours après « l’essai des talents » eut lieu la cérémonie que nous appelons dianghaïghanda. La veille, ma fiancée m’avait envoyé un habillement complet, fait de ses mains avec ce que lui avait envoyé ma mère. Cette dernière examina avec soin les vêtements, et déclara que la jeune fille était suffisamment bonne couturière pour pouvoir tenir une maison. Pendant la cérémonie, je reçus des mains d’un grand marchand, ami de mon père, une bande de papier rouge couverte d’écriture : je la coupai en deux, j’en donnai une moitié à ma femme et je gardai l’autre.

« Après mon mariage, je m’aperçus que ma femme, sans avoir aucun défaut, ne me plaisait pas. Je pris alors le parti de m’adresser à un vieux bonhomme, mon voisin, qui me procura pour une modique somme — 200 francs environ, — une jolie fille très gaie, qui savait jouer de la guitare. Maintenant, en outre de mes deux compatriotes, j’ai aussi trois femmes chinoises que j’ai achetées à Pékin lorsque j’y suis allé porter le tribut. »

Les paroles que je viens de rapporter sont loin d’être une citation très correcte ; d’abord j’ai supprimé pas mal de détails et de réflexions peu intéressantes ; puis j’ai passé sous silence les questions que je lui fis pour éclaircir son discours, car son langage était trop souvent d’une telle laconicité que, pour moi, qui n’étais point Coréen, j’avais peine à comprendre ses explications. C’est ainsi que, lorsqu’il me parla avec emphase de la fameuse bande de papier qu’il avait coupée en deux, je fus obligé de lui demander l’explication de cette cérémonie qui me paraissait sans importance. J’appris ainsi qu’elle constituait, en somme, la seule preuve écrite du mariage ; je dirai presque qu’elle tient lieu de maire et de registre de l’état civil, car lorsqu’un homme veut se remarier, il lui faut présenter les deux morceaux se raccordant du papier rouge, qu’ils soient arrivés en sa possession par suite de décès ou de divorce. Quant à la femme qui se trouve en possession des deux morceaux du papier, elle ne peut que regretter les bûchers qui