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dans la première boutique venue, qui est celle d’un marchand de porcelaines. Son assortiment se compose d’une quantité de tasses, pots et assiettes japonais de fabrication très inférieure, et de poteries dont la grossièreté indique trop bien l’origine indigène. Quant à ces fameuses porcelaines coréennes, qui furent introduites pour la première fois en Europe, où elles excitèrent l’enthousiasme des collectionneurs, au xviiie siècle, avec les envois de porcelaines japonaises, il me fut impossible d’en découvrir même la trace dans les traditions des marchands coréens. J’eus beau visiter avec soin tous les magasins de terre cuite que je pus découvrir, depuis mon départ de Nagasaki jusqu’à mon arrivée à Simonoseki, je n’ai jamais eu le bonheur de rencontrer un seul de ces spécimens d’un art depuis longtemps oublié, qui s’en fut, aux belles époques de sa splendeur, chercher ses motifs d’ornementation jusqu’en Perse, ainsi que le prouve une magnifique potiche coréenne qui fait partie de la collection du plus grand maître dans la connaissance des produits céramiques, M. A. Jacquemart.

Au reste, je dois avouer bien franchement que du jour où il me fut donné de voir les Coréens chez eux, leur état de pauvreté, qui saute aux yeux de l’esprit le moins observateur, me fit douter qu’ils eussent été jamais, ainsi que l’on dit des savants, les maîtres des Chinois et des Japonais en quoi que ce soit. Cependant j’avoue, avec autant de franchise, que ma théorie est absolument en contradiction avec les historiens japonais et surtout avec ceux de la Chine. Ces derniers surtout me semblent fort dignes de foi, lorsqu’il s’agit d’attribuer à un autre peuple que le peuple chinois une découverte ou un talent quelconque. En outre, une autre preuve du fond de vérité de la tradition conservée sur les bords de la mer Jaune, qui veut que les Coréens aient été les premiers maîtres céramistes de l’Extrême-Orient, c’est que les faits rapportés par les annales de ces régions s’accordent à reconnaître à l’antique Corée un certain développement industriel qui lui avait permis de découvrir la fabrication de l’encre dite de Chine[1], et d’un papier spécial fort employé dans l’Asie orientale, où il est connu sous le nom de papier de Corée.

Justement, en face du magasin de porcelaine se trouve la boutique

  1. Voir ce que nous disons sur ce sujet dans l’introduction (p. 25) de notre livre : L’encre de Chine, son histoire et sa fabrication, ouvrage couronné par l’Institut de France. Paris, Leroux, 1882.