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qu’au moment où la mesure comble finit par déborder, en produisant une crise salutaire qui a fait disparaître, d’un seul coup, les barrières qui séparaient la Corée du reste du monde, depuis tant de siècles.

En 1880, les puissances occidentales se ressouvinrent encore une fois du royaume de Corée, et successivement les pavillons américain et italien visitèrent la rade de Fou-sang, dans l’espoir de parvenir à prendre langue avec les intraitables mandarins du lieu, de par les bons offices du consul du Mikado. Ces deux tentatives furent infructueuses ; ni le duc de Gênes, cet excellent loup de mer italien, qui commandait alors le Vittore Pisani, ni le commodore américain Shuffieldt ne purent communiquer avec les représentants de la cour de Séhoul. Bien mieux, lorsque les Coréens apprirent que ce dernier venait de ce même pays d’A-mi-li-ka, qui leur avait fait la guerre en 1871, ils saluèrent son départ d’une volée de feu d’artifice ; d’aucuns ont dit de coups de canon, mais je ne crois en rien cette dernière version, qui suppose l’existence, dans la rade de Fou-sang, de batteries que je n’ai pu parvenir à découvrir pendant le séjour que j’y ai fait, un mois après le départ du commodore Shuffieldt.

La cour de Séhoul semblait donc, au commencement de l’année 1882, aussi bien renfermée dans son isolement que par le passé, lorsqu’au mois de juillet, l’incendie qui couvait depuis longtemps finit par éclater à Séhoul, où la soldatesque coréenne se rua sur les étrangers. Le London and China Telegraph, le seul journal d’Occident qui nous tienne régulièrement, avec une ponctualité digne d’éloge, au courant des événements qui se passent dans l’extrême-Orient, raconte ainsi la sanglante journée qui fut la cause directe de l’ouverture de la Corée aux étrangers.

« Le 23 juillet au matin, tout paraissait calme dans la capitale coréenne, lorsque subitement une bande de soldats indigènes se présenta devant la porte de la Légation japonaise, manifestant des sentiments d’hostilité à l’égard de ses habitants. Aussitôt, un combat terrible s’engagea entre les émeutiers coréens et le personnel de la légation, qui comprenait heureusement quelques agents de police bien armés. Malgré cela, cependant, les assiégés ne tardèrent pas à être débordés de toutes parts, et ce fut à grand peine que S. E. le ministre japonais, M. Hanabusa, parvint à sortir de Séhoul, après avoir vu tomber, sous les coups des assaillants, une grande partie des siens. Une fois sorti de la capitale, le représen-