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de fantaisie n’ayant aucun rapport avec ceux à l’aide desquels ils sont désignés par les indigènes. C’est ainsi que l’île de Zékei est devenue, dans leur nomenclature factice, l’île des Daims ; et, en parcourant les parages de Fou-sang, nous rencontrons sur nos cartes les noms du Prince impérial, de l’amiral Guérin, et même de l’ingénieur Giffard, le constructeur du fameux ballon captif de l’Exposition de 1878, noms dont l’aspect, aussi bien que la valeur, indiquent trop nettement une origine européenne. Ces dénominations flatteuses ont pu rapporter des honneurs à ceux qui les ont employées ; mais elles sont la cause de si nombreuses erreurs de la part des marins et des voyageurs, dans leurs rapports avec les indigènes, que tous les géographes sérieux devraient enfin renoncer à ce système digne seulement de courtisans, pour se borner à une traduction, plus ou moins imparfaite, du nom véritable dans la langue du pays.

Mettons fin à cette digression, qui nous a éloigné un peu trop de notre sujet, pour retourner à l’île de Zékei (île des Daims). En entrant dans la baie, nous l’avons laissée à notre gauche, et nous sommes mouillés juste à sa pointe, à la rencontre des deux passes sud-est et sud-ouest qui la séparent de la terre fermée. À un demi-kilomètre environ de Zékei, le fleuve Soriko se resserre tout à coup et se transforme en un maigre ruisseau, peu en proportion avec la vaste baie qui lui sert d’estuaire. Sur la rive gauche du fleuve ainsi rétréci, nous apercevons la concession japonaise, bâtie sur le promontoire formé par la terre, entre le Sorioko et les bords de la baie. Du côté de l’intérieur, ce promontoire est fermé par un mamelon couvert de sapins, les seuls indices de végétation forestière qu’il nous ait été donné d’apercevoir pendant notre séjour en Corée et dans les archipels de la côte. À côté de la concession japonaise s’étend la petite ville de Ouakan, et à deux kilomètres de cette dernière, en suivant les bords de la baie, on distingue les murailles de la forteresse de Fou-Sang, qui a donné son nom à la baie. Ouakan est relié à cette forteresse par un chemin qui suit le rivage ; du navire, nous voyons un grand nombre de Coréens, tout de blanc habillés, circuler sur cette route.

Enfin la baleinière est prête à partir, amarrée au bas de l’échelle de bord ; le commandant, après nous avoir fait de nombreuses recommandations, nous permet de descendre à terre, à la condition toutefois que nous reviendrons à bord avant la nuit. Nous nous di-