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LA CORÉE


AVANT LES TRAITÉS




CHAPITRE I

DE NAGASAKI À FOU-SANG


Le mardi 15 mai… notre ancre, vigoureusement enlevée par l’effort des quarante hommes de notre équipage, s’arrache à regret au dolce far niente de la baie de Nagasaki. Là, en effet, notre navire ne fatiguait ses chaînes par aucun de ces bonds brusques et saccadés auxquels l’oblige trop souvent la vague capricieuse ; les collines qui nous entouraient ne laissaient passer qu’un souffle de la brise du large, à peine capable de rider la surface unie du lac que nous quittions pour aller courir des mers semées d’écueils inconnus et labourées par les typhons pendant cette saison de l’année. Enfin notre coquille de noix, quoique petite, est solide ; l’équipage, aguerri par une croisière de deux ans dans ces parages, est à toute épreuve ; et quant au commandant, son amabilité n’est rien en comparaison des qualités exceptionnelles qui en font, à la fleur de l’âge, un vieux loup de mer. Dans de semblables conditions, nous pouvons donc nous abandonner sans crainte aux hasards de la navigation. Quant à l’imprévu : naufrage, rencontre de cannibales, etc., etc., ce sont là des dangers inséparables d’un voyage, et nous ne pouvons, pour les conjurer, que répéter l’invocation des mariniers bretons, appelant sur leurs manœuvres les bénédictions du Ciel, « à Dieu vat », en plaçant nos destinées entre les mains de la Providence.

Au moment où quatre heures sonnent au temple protestant de