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Cela prouve que les Belges n’ont pas encore tant étudié que les autres peuples, et que chez eux le grand travail intellectuel a commencé plus tard que dans les autres pays, ou qu’il a pris une fausse direction.

Dans quelques années les Belges abandonneront Colins pour Proudhon dans ses grandes idées théoriques, et puis ils chercheront la rédemption dans l’association libre, dans la coopération sous toutes ses formes… Par la coopération on résoudra les questions sans détruire aucune des libertés individuelles.


Cet article devait attirer à Coullery une verte réponse, de la plume de De Paepe, réponse dont je parlerai tout à l’heure.

Quelques jours après, Coullery, que je n’avais pas vu depuis plusieurs mois, m’écrivit pour me demander pourquoi je le boudais, en ajoutant que c’était lui qui aurait le droit d’être fâché après tout ce que j’avais écrit contre lui dans la presse radicale. Il m’attribuait des articles absurdes parus dans le Premier Mars : or ces articles étaient du Dr Ad. Hirsch (le directeur de l’Observatoire de Neuchâtel), et justement à leur occasion je m’étais brouillé avec leur auteur. Je répondis à Coullery, le 6 octobre, en lui exposant mes idées et mes résolutions, et en lui disant ma façon de penser sur sur ses alliances électorales. Cet échange de lettres marqua la fin de nos relations.

Cependant Catalan et Perron avaient mis à exécution, à Genève, leur plan de campagne ; la Liberté du 10 octobre publia sous ce titre : République démocratique et sociale : Manifeste au peuple de Genève, un document au bas duquel étaient apposées soixante-huit signatures, avec la date du 7 octobre 1868. Ce Manifeste débutait ainsi :


Citoyens,

Il est temps de clore une ère de luttes stériles qui n’ont pas de causes sérieuses et qui ne donnent aucune satisfaction aux besoins réels du peuple.

L’œuvre de chaque génération consiste à réagir contre l’inégalité des droits et contre l’inégalité des conditions.

La génération actuelle ne saurait pas plus échapper à cette loi du progrès historique que celles qui l’ont précédée. Aux privilèges économiques et politiques qui ont survécu aux attaques du passé, elle a le devoir de substituer, dans la mesure de ses forces, le règne de la justice égale pour tous.

C’est à l’accomplissement de ce devoir que le parti de la démocratie sociale vous invite à travailler, par la revendication énergique et soutenue des réformes suivantes…


Les réformes qu’énumérait le Manifeste étaient : 1o la séparation de l’Église et de l’État, afin qu’aucune religion « ne pût empiéter sur le domaine civil ou se soustraire à la loi commune » ; 2o l’instruction gratuite et obligatoire à tous les degrés : gratuite, en ce qu’elle serait accessible à tous par l’institution de l’indemnité scolaire ; obligatoire, en ce qu’il ne devait être permis à personne de vivre dans l’ignorance ; 3o la suppression des impôts directs et indirects qui pèsent sur la production et sur l’échange, et leur remplacement par l’impôt unique sur le revenu et notamment sur les successions ; 4o la création d’une institution de crédit destinée à faciliter l’application des principes coopératifs, comme moyen transitoire d’affranchir la production industrielle et agricole. Venaient ensuite quelques réformes plus spécialement politiques, telles que : rétribution allouée aux députés au Grand-Conseil, afin que tous les citoyens pussent être appelés à remplir ces fonctions ; abaissement à vingt ans de la majorité politique