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société secrète et en l'élargissant. La proposition d'entrer dans l'Internationale fut adoptée à l'unanimité. Mais, en ce qui concerne l'Alliance, les Français et les Italiens désiraient que, tout en gardant son caractère ésotérique et intime de société secrète, elle apparût en même temps au grand jour comme organisation publique, sous le nom d'Alliance internationale de la démocratie socialiste. Ils voulaient même que l'Alliance s'organisât tout à fait indépendamment de l'Association internationale, se contentant que ses membres fussent individuellement membres de cette Association. Bakounine s'y opposa, pour cette raison que cette nouvelle organisation internationale se trouverait en quelque sorte en une rivalité nullement désirable vis-à-vis de l'organisation des travailleurs. Ces discussions eurent pour résultat qu'il fut décidé de fonder une association publique sous le nom d'Alliance internationale de la démocratie socialiste, et de la déclarer partie intégrante de l'Internationale, dont le programme fut reconnu obligatoire pour tout membre de l'Alliance.

En dehors de ce programme général, l'Alliance élabora un programme spécial, que nous devons reproduire ici. (Suivent les sept articles du programme de l'Alliance, qu'on trouvera au chap. IV de la Deuxième Partie).

X


La Section du Locle dans l'automne de 1868. Notre état d'esprit devant le vote du Congrès de Bruxelles sur la propriété collective ; Coullery attaque le Comité central de Genève et les socialistes belges (27 septembre). Manifeste des démocrates-socialistes de Genève (7 octobre). Réponse du Comité central de Genève à Coullery et réplique de celui-ci (11 octobre). Réponse de la Section bruxelloise à Coullery (18 octobre). La Section du Locle adhère aux résolutions du Congrès de Bruxelles et vote une Adresse aux démocrates socialistes de Genève (18 octobre). Le Cercle international du Locle ; le « Caveau » ; le père Meuron ; le Crédit mutuel, les soirées d'instruction mutuelle, le projet de Société de consommation, etc. Paysage jurassien, « sur les Monts ».


Je désire maintenant faire faire au lecteur plus intime connaissance avec la Section du Locle, l'introduire dans le milieu où je vivais depuis 1864, parmi ces socialistes jurassiens qui cherchaient encore leur voie, et lui montrer quels étaient, à ce moment et en ce lieu, les sentiments et les idées d'un jeune homme épris de justice sociale, de liberté et de fraternité. Essayer, à près de quarante ans de distance, à l'aide de ma seule mémoire, de raconter le détail de ce qui s'est passé au Locle en 1868 et 1869, c'eût été entreprendre l'impossible : malgré tout mon effort pour être exact, je n'aurais pu arriver à reproduire fidèlement toute la réalité. Je possède, heureusement, un document grâce auquel je la retrouve, jusque dans le menu détail : ce sont les lettres quotidiennes dans lesquelles je racontais mon existence à celle qui était alors ma fiancée, et qui a été ensuite pour moi la compagne douce et dévouée des bons et des mauvais jours. C'est dans ces lettres, plus encore que dans mes souvenirs directs, que je puiserai les éléments de ce chapitre et de plusieurs autres. Parfois j'en extrairai des citations textuelles, avec cette simple indication entre parenthèses : « lettre du... » ; mais, le plus souvent, sans citer, j'en ferai entrer le contenu dans la trame même de mon récit.

Absent du Locle pendant les vacances (juillet-août), j'y étais revenu le dimanche 23 août. C'est ce jour-là qu'avait eu lieu à la Chaux-de-Fonds l'assemblée dans laquelle Fritz Robert fut désigné comme délégué au Congrès de Bruxelles : Constant Meuron et deux autres camarades représentèrent dans cette réunion la Section du Locle. Robert vint au Locle le