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En conséquence :

Nous nous plaisons à reconnaître l'utilité de la Ligue de la paix et de la liberté à côté de l'Association internationale des travailleurs, et croyons que la diversité des éléments respectifs qui les composent s'oppose à leur fusion.

Nous regrettons donc l'invitation de se dissoudre adressée à la Ligue par les membres du Congrès de Bruxelles ; cette détermination ne peut engager que ses auteurs.

Nous profitons de cette occasion pour vous envoyer l'expression et l'assurance de nos sympathies.

Prison de Sainte-Pélagie, 17 septembre 1868.

A. Combault, G. Mollin, L. Granjon, B. Malon,
E. Cluseret[1], E. Varlin, Humbert, E. Landrin[2].


Si l'Internationale avait refusé de prendre au sérieux la propagande pacifiste entreprise par la Ligue de la paix et de la liberté, c'est qu'elle avait, sur le chapitre de la guerre, une tactique à proposer qui lui paraissait la seule efficace. Elle avait placé à l'ordre du jour de son Congrès la discussion de cette question : De l'attitude des travailleurs dans le cas d'un conflit entre les grandes puissances européennes. Après un débat auquel prirent part Catalan, De Paepe, Hins, Lucraft, Tolain, J.-Ph. Becker, le Congrès adopta, sur le rapport de Longuet, une résolution qui disait :


Considérant que la justice doit être la règle des rapports entre les groupes naturels, peuples, nations, aussi bien qu'entre les citoyens ; que la cause primordiale de la guerre est le manque d'équilibre économique ;…

Que si la guerre a pour cause principale et permanente le manque d'équilibre économique, et ne peut être par conséquent anéantie que par la réforme sociale, elle n'en a pas moins pour cause auxiliaire l'arbitraire qui résulte de la centralisation et du despotisme ;

Que les peuples peuvent donc dès maintenant diminuer le nombre des guerres en s'opposant à ceux qui les font ou qui les déclarent ;

Que ce droit appartient surtout aux classes ouvrières, soumises presque exclusivement au service militaire, et qu'elles seules peuvent lui donner une sanction ;

Qu'elles ont pour cela un moyen pratique légal et immédiatement réalisable ;

Qu'en effet le corps social ne saurait vivre si la production est arrêtée pendant un certain temps ; qu'il suffit donc aux producteurs de cesser de produire pour rendre impossibles les entreprises des gouvernements personnels et despotiques ;

Le Congrès de l'Association internationale des travailleurs, réuni à Bruxelles, déclare protester avec la plus grande énergie contre la guerre.

Il invite toutes les Sections de l'Association, chacune dans leurs pays respectifs, ainsi que toutes les sociétés ouvrières et tous les groupes d'ouvriers quels qu'ils soient, à agir avec la plus grande

  1. Le général Cluseret était membre de l'Internationale, mais ne faisait pas partie de la Commission parisienne ; il était détenu à Sainte-Pélagie à la suite d'une condamnation pour un délit de presse.
  2. Deux des membres de la Commission parisienne, Bourdon et Charbonneau, n'ont pas signé cette Adresse, pour des motifs que j'ignore.