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droit d'émettre telle ou telle opinion, sans en rendre solidaires les groupes des autres nations. Il n'y a donc rien d'extraordinaire à ce qu'une branche anglaise ou allemande, pays (sic) où règne plus de liberté qu'en France, traite des sujets politiques que nous n'oserions aborder. Je déclare que nous nous sommes toujours abstenus de politique. »

Dans l'audience du 22 avril, l'avocat impérial Lepelletier constate que le manifeste a été imprimé à Bruxelles, et que « Chemalé et ses co-prévenus affirment qu'il n'a pas été lu aux réunions ».


VIII


Le troisième Congrès général de l'Internationale, à Bruxelles
(6-13 septembre 1868).


Le troisième Congrès général de l'Internationale eut lieu à Bruxelles du dimanche 6 au dimanche 13 septembre 1868. La Suisse française fut représentée par sept délégués. Six venaient de Genève, savoir : Mermilliod, monteur de boîtes ; Ch. Perron, peintre sur émail ; Quinet, tailleur de pierres ; Graglia, graveur, tous quatre délégués des Sections genevoises[1] ; Adolphe Catalan, délégué de l'Association du Sou pour l'affranchissement de l'individu et de la pensée, section de Genève[2]; J.-Ph. Becker, qualifié de « délégué du Conseil central du groupe des Sections allemandes »[3]. Le septième était mon ancien camarade d'études Fritz Robert, professeur de mathématiques à l'École industrielle de la Chaux-de-Fonds ; il représentait plusieurs Sections jurassiennes : celles de la Chaux-de-Fonds, du Locle, du district de Courtelary[4], de Moutier, de Bienne. Robert avait été choisi comme délégué au défaut de Coullery, qui boudait et avait refusé la délégation[5].

  1. Ces Sections sont énumérées dans le rapport fait par Graglia au Congrès (p. 3 du Compte-rendu officiel) : « Nous n'avions que trois Sections à Genève avant la grève ; maintenant nous en avons vingt-quatre, renfermant quatre mille membres : Sections : Section centrale. — Section de Carouge. — Section allemande. — Corps de métiers : Monteurs de boîtes de montres. — Bijoutiers. — Ébénistes. — Menuisiers. — Maçons. — Carrossiers-forgerons. — Gypsiers-vernisseurs. — Charpentiers français. — Charpentiers allemands. — Graveurs. — Gainiers. — Corroyeurs et tanneurs. — Faiseurs de ressorts. — Couvreurs. — Terrassiers. — Ferblantiers. — Fabricants de pièces à musique. — Typographes. — Serruriers-mécaniciens. — Tailleurs de pierres. »
  2. On avait admis au Congrès de Bruxelles, comme aux deux précédents, les représentants de diverses associations qui ne faisaient pas partie intégrante de l'Internationale.
  3. Ce Conseil central avait son siège à Genève, et son organe était le Vorbote, rédigé par Becker. Dans la liste des délégués au Congrès, Becker a indiqué sa profession en ces termes: « Faiseur de balais, ex-colonel de l'armée révolutionnaire allemande ».  
  4. La Section de Saint-Imier et celle de Sonvillier s'étaient fusionnées pour former une Section unique le 1er septembre 1868, sous le nom de Section du district de Courtelary.
  5. Coullery écrivit néanmoins une lettre au Congrès, au nom de la Section de la Chaux-de-Fonds, lettre dont le président donna lecture dans la deuxième séance et qui a été insérée in-extenso au Compte-rendu officiel du Congrès (p. 51). Il y annonçait l'envoi, par la Section de la Chaux-de-Fonds, de quelques montres de sa « fabrique coopérative », et ajoutait : « Toutes nos tentatives resteront infructueuses, si les classes ouvrières, si les associations, si l'Internationale ne veulent pas s'emparer du commerce de consommation... Enlevons le commerce au capital, et alors nous aurons des débouchés. Le capital ne pourra plus spéculer sur le travail. La Banque [ouvrière internationale] doit être une maison centrale de commandes et d'échange. Mais, avant tout, organisons, dans les grands centres, les magasins sous la protection et la responsabilité des sociétés ouvrières, de l'Internationale. Vivent la liberté et la justice ! » Par une seconde lettre, communiquée le 12 septembre, « Coullery adressait au Congrès ses sentiments de fraternité et demandait à faire partie de la députation que le Congrès enverrait au Congrès de la paix et de la liberté, à Berne » (p. 41)