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Vous ne parviendrez pas à leur faire croire, à ces patriotes, à ces radicaux bon teint (car il y a des radicaux postiches), que nous sommes leurs ennemis, que nous cherchons à les dénigrer.

Ils savent que cela n'est pas vrai, et que nous ne formons qu'une seule famille.

Cependant il y a une nuance entre eux et nous. Des questions qui nous préoccupent vivement les laissent indifférents. Ils trouvent que nous allons un peu vite, nous trouvons qu'ils commencent à ralentir le pas. Nous sommes socialistes, ils ne sont que démocrates.

D'où vient cette nuance ?

Bon Dieu ! c'est qu'ils sont les vieux et que nous sommes les jeunes.

Mais, tout vieux qu'ils soient, nous sommes fiers d'être leurs fils. Si nous ne marchons plus du même pas, nos cœurs du moins battent toujours à l'unisson ; et envers ces dignes vétérans de la cause du progrès, notre langage sera toujours celui du respect, jamais celui de l'injure.

Et eux aussi, ils ne nous renient pas, et nous sommes sûrs qu'ils ne nous voudraient pas autrement. Comme nous sommes aujourd'hui, ardents, enthousiastes, téméraires quelquefois, ainsi étaient-ils en 1831 et en 1848. Et s'ils nous disent souvent : « Mais doucement ! doucement donc ! » ils ajoutent tout bas en souriant : « Je reconnais mon sang chez ces enfants-là ! »

Oui, nous sommes la jeunesse radicale.

Chose remarquable, et signe des temps : le National a beau battre la grosse caisse, il ne fait pas de disciples parmi les jeunes gens. Nous étions une trentaine ensemble sur les bancs du collège : les uns, parmi ces camarades d'études, sont devenus des cléricaux, des aristocrates, les autres des socialistes ; mais aucun ne s'est rangé sous le drapeau de la coterie.

On peut déjà augurer qu'il en sera de même de la génération qui a quinze ans aujourd'hui : une moitié sera socialiste, l'autre moitié sera cléricale.

Mais le National restera isolé, et ne réussira jamais à rallier dans la jeunesse des recrues de quelque valeur, parce qu'il ne représente rien que l'ambition personnelle de quelques hommes sans principes.


Le mouvement révisionniste zuricois[1].

Le National suisse a une singulière façon d'apprécier la politique en dehors de notre canton.

Il a parlé samedi du mouvement révisionniste zuricois comme d'un mouvement radical. Ne jouons pas sur les mots. Le parti révisionniste zuricois, qui ne s'attendait guère à recevoir les éloges du National, est une manifestation du même esprit de réforme, de rénovation, de rajeunissement, qui s'est introduit dans le canton de Genève par la création du journal la Liberté[2], et chez nous par les efforts de la démocratie sociale.

  1. Diogène du 20 décembre 1867.
  2. La Liberté avait été fondée au commencement de novembre 1867 par Adolphe Catalan, jeune politicien genevois qui, pendant deux ans, marcha dans les rangs des socialistes.