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pas, et repoussant les attaques des politiciens sans principes qui voulaient nous faire passer pour les amis des conservateurs :


Satisfaits et mécontents[1].

« Ni satisfaits, ni mécontents ! s’écrie le National suisse[2]. Nous ne voulons ni des uns ni des autres. »

Bon ! Mais qui sont les mécontents ? Qui sont les satisfaits ?

« Les satisfaits, ce sont — dit le National — ceux qui s’endorment au pouvoir et encombrent la voie du progrès[3]. Nous saurons faire bonne justice de leur somnolence. »

Oui, nous le savons bien, Messieurs de la coterie, vous aspirez à nous gouverner. Tout en flagornant bassement les hommes qui ont fondé notre République, vous ne vous gênez pas pour les traiter de « momies » dans un pamphlet anonyme. Mais croyez-nous : lorsque le peuple voudra remplacer ceux auxquels il a confié l’administration de ses affaires, ce n’est pas vous qu’il choisira. M. Cornaz ne risque pas de devenir jamais un satisfait[4].

« Les mécontents systématiques — ajoute le National — appartiennent aux écoles les plus diverses : vous trouverez dans leurs rangs des utopistes sociaux, des partisans du droit divin, des ultramontains pur sang. Si l’on mettait leurs systèmes en présence, il en résulterait une cacophonie atroce. Cependant, ils s’entendent parfaitement entre eux ; ils se tendent une main fraternelle. »

Ainsi nous, que le National veut bien désigner sous le nom d’utopistes sociaux, nous tendons une main fraternelle aux ultra-montains pur sang !

Le digne rédacteur de ce journal, qui nous connaît, a écrit cela sans sourciller.

Et le National, lui, qui a fait chorus avec la Gazette de Lausanne et le Journal de Genève pour éreinter le Congrès ouvrier et le Congrès de la paix, qui a injurié Garibaldi, qui passe enfin, et à juste titre, pour un journal réactionnaire, se donne en revanche comme l’organe des bons citoyens !

Nous en voyons souvent de raides, mais pourtant pas de cette force-là.

Nous allons vous dire, messieurs de la coterie, qui sont les mécontents systématiques qui écrivent dans le Diogène.

Nous sommes la jeunesse radicale.

Nous sommes les fils des hommes de 1848.

  1. Diogène du 6 décembre 1867.
  2. Organe du parti radical à la Chaux-de-Fonds.
  3. Le National visait les membres du gouvernement neuchâtelois, vieux radicaux de 1848, que ses rédacteurs étaient impatients de remplacer.
  4. L'avocat Auguste Cornaz, qui, en 1865, avait fait un moment partie de l'Internationale, était, avec Numa Droz, (alors rédacteur du National suisse), et quelques autres politiciens subalternes, à la tête d'une fraction du parti radical neuchâtelois que nous appelions la « coterie » ; ses amis et lui étaient de simples ambitieux, qui désiraient des places, et qui ont fini par en obtenir. Ce sont eux qui avaient rédigé le pamphlet anonyme dont il est parlé plus haut, et qui était intitulé l’Indiscret.