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vant le terme d’abstentionnistes appliqué aux internationaux belges, hollandais, jurassiens, espagnols et italiens, Guillaume déclara que ce terme, introduit par Proudhon dans le vocabulaire socialiste, prêtait à l’équivoque, et que ce que la minorité du Congrès voulait c’était, non l’indifférence politique, mais une politique spéciale, négatrice de la politique bourgeoise, et que nous appellerons la politique du travail. La distinction entre la politique positive de la majorité et la politique négative de la minorité est, du reste, marquée clairement par la définition du but que chacune d’elles se propose : la majorité veut la conquête du pouvoir politique, la minorité veut la destruction du pouvoir politique.

Longuet, jadis proudhonien, mais devenu marxiste pour des raisons de famille[1], fit à ce discours une réponse absolument vide. C’est en vain que nous en avons cherché les points principaux pour les résumer ; il n’y a rien dans cette harangue diffuse : des mots, beaucoup de mots, et pas une idée dessous. La seule chose qu’on puisse prendre pour un argument au milieu de ces phrases, c’est une plaisanterie qui consistait à dire que l’orateur de la minorité n’avait lu ni Proudhon ni Marx, — plaisanterie qui rappelle la lettre de M. Lafargue parlant de l’ignorance bénie de la Fédération jurassienne[2], et qui a eu le même succès.


La séance fut ensuite close au milieu d’un tumulte excité par quelques braillards qui se trouvaient dans le public.


Après le vote qui avait transféré le Conseil général à New York et jeté la division dans le camp de la majorité, la minorité, trouvant le terrain déblayé par les soins mêmes de Marx, put arriver à l’entente qu’elle avait cherché à établir entre ses membres dès le premier jour du Congrès. Des réunions privées de la minorité avaient eu lieu à diverses reprises au local de la Section de la Haye ; tous les membres de l’opposition, y compris les Anglais et l’Américain Sauva, y avaient assisté ; on y avait échangé des idées et constaté qu’on était d’accord sur le principe d’autonomie ; restait à exprimer cet accord dans une déclaration à lire au Congrès. Cette déclaration avait semblé, au premier abord, devoir être très difficile à élaborer, vu certaines divergences de détails entre les délégués de telle ou telle Fédération ; mais, après le vote transportant le Conseil général à New York, la chose alla toute seule. Le samedi matin, on était arrivé à une rédaction définitive, qui fut présentée à la signature de tous les délégués de l’opposition. Tous la signèrent, sauf les Anglais, qui avaient déjà dû quitter la Haye[3], mais qui en avaient, dans les réunions précédentes de

  1. Charles Longuet venait d’épouser la fille aînée de Karl Marx.
  2. Il s’agit de la lettre du 17 mai 1872, dont il a été question p. 247 et que j’ai le regret de n’avoir pu reproduire ; dans un passage de cette lettre, Lafargue, après nous avoir appelés « pontifes des Idées Pures », et affirmé que la circulaire du Congrès de Sonvillier était « bourrée de doctrines métaphysiques », ajoutait : « Les prêtres, à quelque religion qu’ils appartiennent, se complaisent dans une ignorance bénie. »
  3. Eccarius, Hales, Mottershead, Harcourt étaient partis dès le jeudi soir ; Roach et Sexton partirent le vendredi soir.