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désir émis, il y a un an bientôt, par notre Fédération, d’enlever au Conseil général tout pouvoir, a rencontré l’adhésion de plusieurs Fédérations. En Belgique, on a même fait la proposition de supprimer ce Conseil. Nous n’étions pas allés jusque là. Mais lorsque cette proposition nous a été communiquée, nous nous sommes demandé si, dans l’état actuel de l’Internationale, l’existence du Conseil général était nécessaire. Nous avons discuté, nous avons consulté les autres Fédérations : qu’est-il advenu de notre enquête ? La majorité des Fédérations a été d’avis de maintenir, non pas une autorité centrale, mais un centre de correspondance et de statistique. Il nous a semblé que les Fédérations pourraient, sans cet intermédiaire, entrer en relations directes les unes avec les autres ; néanmoins nous nous sommes ralliés à l’opinion de la majorité. Ceux qui désirent maintenir au Conseil général l’autorité qu’il possède actuellement ont objecté qu’il fallait un pouvoir fort à la tête de notre Association. L’Internationale soutient deux sortes de luttes : la lutte économique, qui se traduit par les grèves ; la lutte politique, qui, suivant les pays, se traduit par des candidatures ouvrières ou par la révolution. Ces deux luttes sont inséparables ; elles doivent être menées ensemble ; mais le Conseil général a-t-il qualité pour nous guider dans l’une ou l’autre de ces luttes ? A-t-il jamais organisé une grève ? Non ; il n’a aucune action sur ces conflits : lorsqu’ils surgissent, c’est la solidarité seule qui nous détermine à agir. Souvenez-vous, pour ne parler que de la Suisse, quelles protestations la Fédération genevoise adressa aux journaux qui prétendaient, lors des grèves de 1868 et 1869, que cette Fédération avait reçu un mot d’ordre de Londres et de Paris. Nous ne voulons pas, quant à nous, que l’Internationale reçoive des ordres de Londres ni d’ailleurs. Pour la lutte politique, le Conseil général n’est pas davantage nécessaire ; ce n’est pas lui qui a jamais conduit les travailleurs à la révolution : les mouvements révolutionnaires se produisent spontanément, et non sous l’impulsion d’un pouvoir directeur. En conséquence, nous contestons l’utilité du Conseil général. Cependant, nous sommes disposés à ne pas réclamer sa suppression, pourvu que son rôle soit réduit à celui d’un simple bureau de correspondance et de statistique.

Sorge, de New York, répond que l’Amérique a fait, elle aussi, des expériences qui l’ont conduite à des conclusions diamétralement opposées à celles de la Fédération jurassienne. « La Fédération jurassienne, dit-il, se déclare ennemie du pouvoir : j’aurais voulu, pour moi, qu’elle n’eût pas eu celui d’imprimer les choses infâmes qu’elle a publiées… »

Ici, interruptions, tumulte. La minorité somme le président de rappeler Sorge à l’ordre. Sorge retire ses dernières paroles, et continue :

« On a dit que le Conseil général de Londres n’avait jamais organisé de grèves : ce n’est pas vrai. Son intervention a été des plus efficaces dans la grève des bronziers de Paris, dans celle des ouvriers en machines à coudre de New York, dans celle des mécaniciens de Newcastle…»

Mottershead, délégué anglais, interrompt en disant : « C’est inexact, les mécaniciens de Newcastle n’ont rien eu à faire avec le Conseil général ».

Sorge reprend : « Le Conseil général doit être l’état-inajor de