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Je ne compte pas West et Joukovsky, puisque l’un fut rejeté, et l’autre perpétuellement ajourné.

Si nous avions tenu absolument à être les plus forts numériquement, il eût été bien facile de faire envoyer par la Belgique et la Hollande quelques délégués de plus ; et nous aurions pu, nous aussi, avoir des mandats de Sections de France[1], que nous aurions distribués à quelques-uns des Français, sympathiques à nos idées, que le Congrès avait attirés à la Haye[2]. La Fédération italienne avait nommé sept délégués, qui se rendirent en Suisse pour prendre part, le 15 septembre, au Congrès international de Saint-Imier : si l’Italie avait renoncé à une abstention qui nous paraissait une faute, et qu’elle eût envoyé ses délégués à la Haye, la minorité, déjà renforcée des délégués belges, hollandais et français que nous eussions pu nous adjoindre, se serait transformée en majorité. Mais nous dédaignâmes l’emploi de ces moyens : ce n’était pas en grossissant de quelques unités le nombre de ses votes que la minorité devait chercher à prouver la légitimité de ses revendications[3]. Que la « minorité » comptât plus ou moins de voix, il était certain qu’elle seule représentait les Fédérations régulièrement constituées, les Fédérations vivantes, la véritable Internationale ; et le Congrès de la Haye, préparé pour étouffer la manifestation de l’opinion de ces Fédérations, ne pouvait être et ne fut en effet qu’un attentat contre l’Internationale.


Une fois terminée la vérification des mandats, qui avait consumé trois jours entiers, le Congrès, le mercredi soir, s’occupa de la constitution de son bureau. Pendant les trois premiers jours, la présidence provisoire avait été confiée au délégué belge Van den Abeele : il fut remplacé dans ses fonctions par Ranvier. Pour la vice-présidence, Dupont et Gerhard obtinrent chacun 27 voix, Sorge 20 ; Dupont refusa, en sorte que les deux vice-présidents furent Gerhard et Sorge. Les secrétaires furent Le Moussu, Hepner, Mac Donnell, Fränkel, Wilmot, Eccarius, Marselau, Dave et Van den Abeele. On n’avait désigné des secrétaires que pour la forme ; car pendant toute la durée du Congrès il ne fut lu aucun procès-verbal, malgré les réclamations de la minorité, à laquelle on répondait toujours que le temps avait manqué ; enfin, dans la dernière séance, la majorité décida que la rédaction des procès-verbaux serait confiée à une commission composée de Dupont, Engels, Fränkel, Le Moussu, Marx et Serraillier, et que le nouveau Conseil général serait chargé de leur publication[4].

Dès l’ouverture du Congrès, les Espagnols avaient déposé une motion d’ordre tendant à faire changer le mode de votation. L’usage adopté dans les Congrès précédents était d’attribuer une voix à chaque délégué. Les Espagnols, conformément à leur mandat, demandèrent que le vote de chaque délégué fût compté proportionnellement au nombre d’internatio-

  1. Dans une des séances du mercredi, le président, Ranvier, annonça qu’il était arrivé un mandat de la Section de Mulhouse confiant sa délégation à Schwitzguébel et à moi. Bien d’autres Sections, en France, nous auraient envoyé des mandats, si nous le leur avions demandé.
  2. Parmi ces Français, je cite Lanjalley, dont j’eus le plaisir de faire alors la connaissance.
  3. Ce sentiment explique pourquoi la minorité renonça à chicaner les porteurs de mandats allemands et français sur la validité de leurs titres.
  4. J’ignore si ces « procès-verbaux » (!) ont été rédigés et publiés ; je ne les ai jamais vus. Les seuls documents que je puisse indiquer comme source de renseignements pour le Congrès de la Haye sont cinq comptes-rendus publiés par des journaux : celui de la Liberté, de Bruxelles, celui du Bulletin jurassien, celui de la République française (rédigé par Lanjalley), celui que Maltman Barry rédigea, avec la collaboration visible de Marx et d’Engels, pour le journal tory le Standard, et celui qu’Eccarius rédigea pour le Times ; et la Memoria à todos los internacionales españoles, rédigée par les délégués de la Fédération espagnole.