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déclaration du congrès de Lausanne : au contraire, comme on peut le voir dans le Bulletin, « des applaudissements prolongés succédèrent à cette lecture ».

... Nous formions, à la gauche du président, un petit groupe où dominaient surtout les délégués du Congrès de Lausanne. Sur l'estrade se trouvaient, assis parmi les vice-présidents, Eccarius, J.-Ph. Becker, Büchner, Odger, Cremer ; sur les degrés de l'estrade, je m'étais placé, comme je l'ai dit, avec Coullery et Bürkly ; tout près de nous était la table des secrétaires français, où écrivaient Ch.-L. Chassin, l'auteur du Génie de la Révolution, et Alfred Naquet. Enfin au pied de l'estrade, à la table des journalistes, étaient Albert Fermé pour le Temps, Blanc pour l’Opinion nationale, Corbon pour le Siècle, Tolain pour le Courrier Français, Fribourg pour la Liberté ; j'ignore à la rédaction de quelles feuilles étaient attachés le reste de mes camarades de cette table, Dupont, Murat, Chemalé, De Paepe, Longuet, Vasseur, Perron, etc.

Ce groupe, qui s'était instinctivement placé à gauche, joua véritablement, pendant la durée du Congrès, le rôle de la gauche dans une assemblée délibérante ; et le dernier jour, quand les acolytes de Fazy, joints aux « ficeliers[1] », essayèrent de dissoudre le Congrès, notre petit coin fut particulièrement l'objet de leurs injures et de leurs menaces.

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Quand l'émotion causée par l'audacieuse sortie de Fermé[2] fut calmée, le président annonça que le général Garibaldi avait demandé la parole pour donner lecture de quelques articles qu'il désirait voir ajoutés au programme.

Garibaldi se lève, et il est salué par de longs et bruyants applaudissements. On attend avec impatience ce qu'il va dire ; son discours doit être l'événement de la séance.

Lorsque le silence est rétabli, Garibaldi s'adresse à l'assemblée en français, d'une voix grave et ferme, un peu solennelle ; j'ajouterais, si je ne craignais qu'on prît ce détail pour une remarque irrévérencieuse, qu'il appuyait tout particulièrement sur les grands mots, et faisait fortement rouler les r à l'italienne ; mais ce brin d'emphase lui allait à merveille, et ne servait qu'à donner à son débit plus d'énergie et de grandeur.

« Citoyens, dit-il au milieu d'un religieux silence, vous me permettrez d'abord de retourner à quelques idées qui ont été manifestées par d'honorables orateurs qui m'ont précédé ; vous me permettrez d'expliquer pourquoi je ne suis pas de leur opinion. »

Et il relève les objections que venaient de faire James Fazy et Schmidlin à certaines parties du programme du Congrès, qu'ils trouvaient compromettantes pour la neutralité suisse. Puis il soumet à l'assemblée les articles qu'il a écrits pour être ajoutés au programme.

« Voici, dit-il, les quelques propositions que j'ai rédigées. J'ai

  1. On appelait à Genève les « ficeliers », ou la « ficelle », un groupe de radicaux dissidents qui avaient abandonné Fazy, lui avaient fait « de la ficelle », et s'étaient alliés aux conservateurs. Mais comme conservateurs et fazystes ressentaient une égale antipathie à l'égard du Congrès de la paix, les hommes de la « ficelle » et les séides de l'ex-dictateur radical se trouvèrent momentanément réunis pour nous combattre.
  2. Fermé avait énergiquement protesté contre la présence, dans le faisceau de drapeaux qui décorait la tribune, d'un drapeau français surmonté de l'aigle impériale.