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familière qui, le samedi, précéda l’ouverture du Congrès, firent une vive impression sur ceux qui venaient pour la première fois dans nos Montagnes ; et je me rappelle que Malon, Pindy et Dumay m’exprimèrent tout le plaisir qu’ils ressentaient à se trouver dans un milieu si sympathique.

Le Congrès se réunit dans cette salle du Cercle international, au café Frey, à laquelle se rattachaient déjà pour nous tant de souvenirs ; cette salle où avaient eu lieu, en janvier et février 1869, les conférences de Charles Kopp et de Michel Bakounine, où pour la première fois les ouvriers des Montagnes avaient entendu parler d’un socialisme qui n’était plus celui de Coullery. Blin fut désigné comme président, Heng comme vice-président ; les secrétaires furent choisis parmi les internationaux non délégués, « afin que tous les délégués pussent participer d’une manière active aux discussions » : ce furent le relieur Goss et le graveur Chautemps, du Locle, et mon ami le peintre Gustave Jeanneret, de Neuchâtel, récemment revenu de Paris. Le rapport du Comité fédéral contenait un passage sur l’agitation politique qui, en Suisse, à propos de la constitution fédérale revisée (rejetée le dimanche précédent par la majorité des électeurs), avait divisé les citoyens en partisans du fédéralisme cantonaliste et en partisans de l’État centralisé. Le rapport disait :


Qu’importe à l’ouvrier l’État cantonal ou l’État central ? Tant que la bourgeoisie dominera économiquement le peuple, elle sera son maître aussi politiquement, et l’un et l’autre État seront la sauvegarde légale de ses privilèges. Le seul problème politique duquel puissent sérieusement s’occuper les ouvriers, c’est la décentralisation absolue, non pas en faveur des cantons, mais en faveur des communes libres, reconstituant de bas en haut la Fédération, non pas des États cantonaux, mais des communes.


Sur la question de nos relations avec le Conseil général, le rapport disait :


Depuis le Congrès de Sonvillier, où nous eûmes l’audace de mettre en doute l’infaillibilité du Conseil général, notre Fédération et ses plus dignes représentants ne cessent d’être outrageusement, et d’une manière misérable, calomniés par le Conseil général et ses agents de tous les pays. Cette guerre sourde, intestine, a pris un tel caractère d’animosité que toute conciliation semble devenue impossible, et que, dans l’intérêt même de la cause ouvrière, nous ne devons plus chercher qu’à obtenir du Congrès général justice contre nos calomniateurs.


La plupart des questions discutées au Congrès n’offrant pas un caractère d’intérêt général, je crois inutile d’en parler ici : le Bulletin du 1er juin 1872 (n° 8) a publié les résolutions qui furent adoptées. Je reproduis seulement la résolution relative à l’envoi des délégués de la Fédération jurassienne au futur Congrès général :


Un Congrès fédéral jurassien sera tenu quelques jours avant l’ouverture du Congrès général, pour choisir ses délégués et leur donner les instructions nécessaires sur la ligne de conduite qu’ils auront à suivre pour représenter dignement la Fédération jurassienne dans cette grave circonstance et dans le sens du retour à la concorde entre les membres de l’Association internationale des travailleurs.


Le Congrès décida que Sonvillier resterait le siège du Comité fédéral pour l’année 1872-1873, jusqu’au Congrès annuel ordinaire à tenir au printemps de 1873. La Section de Sonvillier composa ce Comité des cinq