Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et Cremer lui présentèrent une Adresse au nom de la Reform League, dont Garibaldi est le président d'honneur.

Puis, regardant du côté du beau monde qui attendait, passablement étonné que les premiers mots du général eussent été pour nous, Garibaldi ajouta :

« Maintenant, voulez-vous permettre que j'aille saluer ces dames ? »

Nous nous retirâmes profondément émus de cette entrevue et de la simplicité pleine de grandeur du héros italien.


Lorsque j'arrivai au Palais électoral, la salle était déjà comble. Six mille personnes environ s'y pressaient, et une partie seulement avait pu trouver place sur les bancs. Au centre de la salle, un magnifique jet d'eau répandait la fraîcheur. En face du jet d'eau et adossée à la muraille du côté nord était une grande estrade destinée au bureau ; derrière le siège du président s'élevait la tribune, surmontée du mot PAX et d'une forêt de drapeaux.

Je parvins, non sans peine, jusqu'au pied de l'estrade, et je trouvai là presque tous mes compagnons du Congrès de Lausanne, assis à la table des journalistes, et taillant leurs crayons. Ils m'offrirent une place au milieu d'eux, mais je préférai aller m'asseoir sur les degrés de l'estrade, où Bürkly, puis Coullery me rejoignirent. C'était là qu'on était le mieux placé pour tout voir et tout entendre.

Quelques minutes après notre arrivée, on entendit à la porte des cris frénétiques. C'était Garibaldi qui entrait. Il traversa lentement la salle au milieu des acclamations enthousiastes de la foule. On se pressait sur son passage pour le voir de plus près, pour tâcher de toucher ses vêtements ou d'obtenir une poignée de main. Au moment où il arriva près de nous, un Italien fanatique se jeta sur une de ses mains et la prit violemment pour la porter à ses lèvres. Garibaldi fit un geste qui nous prouva que l'Italien lui avait fait mal.

Il arriva enfin sur l'estrade, où M. Jules Barni, président provisoire du Congrès, le fit asseoir à sa droite dans un fauteuil. Les acclamations se prolongèrent encore pendant un moment.

... Après le discours d'ouverture de M. Jules Barni, professeur à Genève, et celui de M. Émile Acollas, président du Comité d'initiative de Paris, commença la lecture des Adresses d'adhésion. La parole fut donnée tout d'abord aux représentants des sociétés ouvrières.

Ce fut l'un de nos camarades, Perron[1], de Genève, qui monta le premier à la tribune : il donna lecture d'une Adresse des ouvriers genevois, qui, ainsi que le constate le Bulletin du Congrès, « fut saluée par de longs applaudissements ».

Ensuite vint le tour de l'Association internationale des travailleurs. L'Adresse votée par le Congrès de Lausanne fut lue à la tribune par deux des secrétaires de ce Congrès, en français d'abord, par James Guillaume, du Locle, puis en allemand par le docteur Büchner.

Lorsque plus tard la conspiration des fazystes et des aristocrates eut réussi à aigrir les esprits et à troubler les séances du Congrès, une partie des assistants se montra carrément hostile aux principes socialistes ; mais à ce moment-là personne, si ce n'est MM. Dameth, de Molinari, Cherbuliez et consorts, ne songea à se formaliser de la

  1. Charles Perron, devenu plus tard cartographe, et qui était alors peintre sur émail.