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puisque de nombreuses Sections, les nôtres en particulier, n’y avaient pas été convoquées ; cette Conférence, dont la majorité avait été faussée d’avance par le fait que le Conseil général s’était arrogé le droit d’y faire siéger six délégués nommés par lui avec voix délibérative ; cette Conférence, qui ne pouvait absolument pas se considérer comme investie des droits d’un Congrès, a cependant pris des résolutions qui portent gravement atteinte aux Statuts généraux, et qui tendent à faire de l’Internationale, libre fédération de Sections autonomes, une organisation hiérarchique et autoritaire de Sections disciplinées, placées entièrement sous la main d’un Conseil général qui peut à son gré refuser leur admission ou bien suspendre leur activité. Et pour couronner l’édifice, une décision de cette Conférence porte que le Conseil général fixera lui-même la date et le lieu du prochain Congrès ou de la Conférence qui le remplacera ; en sorte que nous voilà menacés de la suppression des Congrès généraux, ces grandes assises publiques de l’Internationale, et de leur remplacement, au gré du Conseil général, par des Conférences secrètes analogues à celle qui vient de se tenir à Londres.

En présence de cette situation, qu’avons-nous à faire ?

Nous n’incriminons pas les intentions du Conseil général. Les personnalités qui le composent se sont trouvées les victimes d’une nécessité fatale : elles ont voulu, de bonne foi et pour le triomphe de leur doctrine particulière, introduire dans l’Internationale le principe d’autorité ; les circonstances ont paru favoriser cette tendance, et il nous paraît tout naturel que cette école, dont l’idéal est la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière, ait cru que l’Internationale, à la suite des derniers événements, devait changer son organisation primitive et se transformer en une organisation hiérarchique, dirigée et gouvernée par un Comité.

Mais si nous nous expliquons ces tendances et ces faits, nous ne nous en sentons pas moins obligés de les combattre, au nom de cette Révolution sociale que nous poursuivons, et dont le programme est : « Émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes », en dehors de toute autorité directrice, cette autorité fût-elle élue et consentie par les travailleurs.

Nous demandons le maintien, dans l’Internationale, de ce principe de l’autonomie des Sections, qui a été jusqu’à présent la base de notre Association ; nous demandons que le Conseil général, dont les attributions ont été dénaturées par les résolutions administratives du Congrès de Bâle, rentre dans son rôle normal, qui est celui d’un simple bureau de correspondance et de statistique ; — et cette unité qu’on voudrait établir par la centralisation et la dictature, nous voulons la réaliser par la fédération libre des groupes autonomes.

La société future ne doit être rien autre chose que l’universalisation de l’organisation que l’Internationale se sera donnée. Nous devons donc avoir soin de rapprocher le plus possible cette organisation de notre idéal. Comment voudrait-on qu’une société égalitaire et libre sortît d’une organisation autoritaire ? C’est impossible. L’Internationale, embryon de la future société humaine, est tenue d’être, dès maintenant, l’image fidèle de nos principes de liberté et de fédération, et de rejeter de son sein tout principe tendant à l’autorité, à la dictature.