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Conférence. Un motif analogue nous avait engagés à faire siéger également dans la commission, en la personne de Joukovsky, un représentant de cette Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste qui groupait, à Genève, la plupart des réfugiés français. Notre commission se réunit immédiatement ; je tirai de ma poche le manuscrit que j’avais rédigé la semaine précédente, et j’en donnai lecture à mes deux collègues : ils l’approuvèrent, sans y proposer, autant que je puisse me souvenir, aucun amendement.

À l’ouverture de la seconde séance, intervertissant l’ordre des questions du programme, le Congrès aborda, en premier lieu, la question de la réorganisation de la Fédération et de la revision de ses statuts. Il vota à l’unanimité la résolution suivante, présentée par la commission (j’ai oublié les noms de ses membres), résolution qui devait déblayer le terrain et mettre fin, dans notre pensée, à la querelle à laquelle s’obstinaient les intrigants du Temple-Unique :


Le Congrès,

Considérant que la Fédération romande, dont le présent Congrès est le seul représentant légitime, a perdu son caractère primitif par la retraite d’une partie des Sections qui la constituaient.

Pense qu’il y a lieu de dissoudre cette Fédération, et la déclare dissoute.

Considérant, en outre, qu’un Congrès des Sections romandes, réuni à Saint-Imier en octobre 1870, a discuté la proposition de constituer une Fédération nouvelle, qui porterait le nom de Fédération jurassienne[1], proposition qui a été écartée alors comme prématurée, mais qui est présentée de nouveau aujourd’hui par plusieurs Sections,

Le Congrès décide de constituer, entre les Sections représentées au Congrès et celles qui y adhéreront, une Fédération nouvelle qui prend le nom de Fédération jurassienne.


« Il y a quelques remarques à faire sur la rédaction de cette importante résolution, qui fut l’acte constitutif de cette Fédération jurassienne destinée à appeler sur sa tête toutes les fureurs de Marx et de son parti. D’abord, dès la première phrase, le Congrès maintient la validité du vote à la suite duquel, au Congrès de la Chaux-de-Fonds, la Fédération romande s’était trouvée divisée en majorité et en minorité ; il affirme, en dépit de la Conférence de Londres, que les Sections de la majorité, c’est-à-dire les Sections du Jura, constituaient encore à cette heure-là, le 12 novembre 1871, la seule véritable et légitime Fédération romande, et que leur Congrès seul avait le droit de s’en déclarer le représentant. Après cette affirmation, la résolution disait clairement que, si les Sections romandes du Jura se constituaient, à partir de ce jour, en Fédération jurassienne, ce n’était point pour obéir au décret de la Conférence, mais que c’était de leur chef, et en donnant suite à une proposition présentée déjà l’année précédente au Congrès romand de Saint-Imier. Cette espèce de défi jeté à l’autorité de la Conférence fit bondir les marxistes, et l’Égalité ne trouva pas assez d’injures pour les audacieux délégués de Sonvillier. » (Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 224.)

La commission avait pris connaissance du projet de statuts fédéraux présenté par la Section de Neuchâtel (voir ci-dessus p. 226) et l’avait fait sien. Ce projet fut voté par les délégués, sous la réserve de son acceptation ultérieure par les Sections. Il consacrait le principe de l’autonomie des Sections ; et il fournissait la preuve, réduit qu’il était à un très petit nom-

  1. Voir ci-dessus p. 108.