Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/561

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui pût servir de base de discussion ; je m’occupai en conséquence à rédiger ce projet, dans les jours qui précédèrent immédiatement la réunion de Sonvillier.


Il faut maintenant faire connaître comment Bakounine employa les mois de septembre et d’octobre et la première moitié de novembre. On a vu que, dans les derniers jours d’août, il travaillait à un second article contre Mazzini. Pendant la plus grande partie de septembre, il désigne encore ce manuscrit, dans son calendrier-journal, sous le nom de 2d article Mazzini. A partir du 26 septembre, il l’appelle « brochure » : 2de brochure Mazzini, 2de brochure mazzinienne. Il s’interrompt après le 1er octobre, pour écrire, du 2 au 4, une réponse à l’Unità italiana, journal mazzinien de Milan ; cette réponse paraît, traduite en italien sous le titre de Risposta all’ « Unità italiana » per M. Bakounine, dans le Gazzettino rosa des 10, 11 et 12 octobre[1] ; puis il reprend la rédaction de la brochure, du 5 au 14.

La polémique contre le parti mazzinien mit Bakounine en relations avec quelques hommes nouveaux, qui entrèrent en correspondance avec lui : on voit apparaître à ce moment, pour la première fois, dans son calendrier-journal, trois noms, ceux de Carlo Terzaghi (18 septembre), de Carmelo Palladino (16 septembre) et de Vincenzo Pezza (8 octobre), qui lui écrivent. Terzaghi rédigeait à Turin le Proletario : c’était un détraqué qui, après avoir offert ses services alternativement à Bakounine et à Marx, finit par les vendre à la police. Carmelo Palladino, jeune avocat napolitain, avait reconstitué avec l’aide de Carlo Cafiero, d’Errico Malatesta et de quelques autres, la Section internationale de Naples, fort malade depuis 1870 et finalement dissoute par un arrêté du ministre de l’intérieur du 14 août 1871. V. Pezza écrivait dans le Gazzettino rosa sous le pseudonyme de « Burbero », et il allait devenir le plus ardent propagandiste de l’internationale en Italie jusqu’au moment où une mort prématurée l’enleva, à la fin de 1872. Il n’y eut entre Bakounine et Palladino que des relations épistolaires[2] ; mais Pezza vint le voir à Locarno le 15 octobre, et il se fit aussitôt entre eux une « entente complète ». La Roma del Popolo du 12 octobre avait publié une adresse de Mazzini aux délégués ouvriers qui devaient se réunir en Congrès à Rome le 17 novembre : c’était sans doute cette manifestation du chef républicain qui avait motivé la visite de Pezza. Du 17 au 19, Bakounine s’occupe encore de la 2de brochure Mazzini ; mais le 19 au soir il commence la rédaction d’une « Circulaire en réponse à la circulaire de Mazzini », et s’absorbe dans cette besogne jusqu’au 28. Le manuscrit de cette circulaire, qu’il avait envoyé à Pezza, fut imprimé clandestinement à Naples, et distribué aux délégués du Congrès[3] ; il en a été fait une réimpression à Ancône en 1885, sous le titre : Il socialismo e Mazzini[4]. Bakounine ne reprend pas tout de suite la brochure Mazzini : du 28 octobre au 4 novembre, une longue lettre à écrire aux amis des Montagnes, puis des préoccupations de famille, l’en détournent : il s’y remet du 5 au 15 novembre. Il m’avait expédié, dès le 17 octobre, les pages 25-49 de son manuscrit pour l’imprimer (l’envoi des pages 1-24 n’est pas noté) ; le 16 novembre il m’en envoya la fin, pages 50-110 ; l’impression en fut achevée six semaines après. Ce manuscrit forma, précédé de l’article paru en août dans la Liberté, une brochure ou plutôt un petit livre, que l’auteur intitula : La Théologie politique de Mazzini et l’Internationale, première partie. J’en parlerai plus loin.

  1. Nettlau, p. 624.
  2. J’ai aussi correspondu quelque temps avec lui ; il m’avait envoyé sa photographie, que je possède encore : belle tête énergique, d’un type italien accentué. Palladino épousa par amour une paysanne ; il quitta Naples pour aller vivre au fond d’une province, et nous le perdîmes de vue.
  3. Nettlau, Supplément manuscrit (inédit).
  4. Nettlau, p. 627.