Une autre cause qui fait entrer l’Internationale dans une nouvelle phase, c’est l’attitude dictatoriale du Conseil général vis-à-vis des Sections. La Conférence tenue dernièrement à Londres a pris des résolutions qui nous concernent de près. Vous savez tous qu’une scission s’était produite au Congrès de la Chaux-de-Fonds en 1870. La minorité dissidente [les Genevois et les coullerystes de la Chaux-de-Fonds] s’est arrogé le titre de Fédération romande. Nous avions compté sur l’esprit d’impartialité qui devrait animer les membres du Conseil général, et nous espérions longtemps qu’il mettrait fin à ce conflit, en nous reconnaissant au moins le droit d’existence comme Fédération à l’égal de nos confrères de Genève. Eh bien, le Conseil général s’est enfermé dans un silence inexplicable. Il ne nous restait qu’une seule issue : c’était d’attendre la convocation du Congrès général, qui mettrait fin au conflit.
Mais, d’un côté, nous voyons que la convocation du Congrès général est presque impossible pour le moment ; d’un autre côté, la Conférence de Londres, tenue secrète pour nous, et convoquée par le Conseil général, a pris des allures dictatoriales en lançant des décrets[1], ce qui est contraire aux principes fondamentaux de l’Internationale.
Tout ceci nous oblige, compagnons, à convoquer le plus tôt possible notre Congrès régional, qui aura à arrêter une ligne de conduite conforme aux intérêts généraux de l’Association et à ceux particuliers de notre Fédération.
L’ordre du jour que nous vous proposons est le suivant :
1° Rapport du Comité fédéral ;
2° Le Conseil général et la Conférence de Londres ;
3° La réorganisation de la Fédération et la révision de ses statuts ;
4° Le Congrès ouvrier suisse.
Compagnons, nous sommes sûrs que vous répondrez à notre appel par l’envoi de vos délégués, et que de leurs délibérations ressortira une consolidation des liens qui unissent nos Sections.
Le Congrès aura lieu le 12 novembre, à Sonvillier (Jura bernois). La séance d’ouverture aura lieu à neuf heures du matin à l’Hôtel de la Balance. Ayez l’obligeance de nous aviser du nombre de délégués qui viendront au Congrès.
Salut et solidarité.
Pour le Comité fédéral romand :
Le secrétaire correspondant, Adhémar Schwitzguébel.
Sonvillier-Saint-Imier, le 31 octobre 1871.
Nous allions avoir, au Congrès de Sonvillier, à organiser notre Fédération sur des bases nouvelles, et à faire connaître aux autres Fédérations de l’Internationale notre sentiment sur les actes de la Conférence de Londres, en leur envoyant une circulaire. Je présentai à la Section de Neuchâtel un projet de statuts fédéraux que j’avais élaboré ; ce projet fut adopté par elle pour être présenté en son nom au Congrès. Je pensai en outre que la rédaction de la circulaire à envoyer aux Fédérations ne devait pas être laissée au hasard d’une improvisation hâtive au moment du Congrès, et qu’il serait prudent de préparer, à tête reposée, un projet
- ↑ Allusion à cette phrase de la résolution XVII : « Elle décrète que la Fédération des Sections des Montagnes se nommera Fédération jurassienne ». Le texte complet de cette résolution avait paru, comme il a été dit, dans l’Égalité du 26 octobre.