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si j'étais appelé quand la fameuse commission présenterait son rapport, la note suivante :


Appelé comme témoin à propos du différend suisse dans la commission chargée de l'examiner, je m'y suis rendu avec l'espoir de contribuer à un apaisement. Mis directement en cause, je déclare formellement que je n'accepte pas le rôle d'accusé, et je m'abstiens d'assister aux séances de la Conférence où sera discutée la question suisse.

19 septembre 1871.

P. Robin.


Je parlerai tout à l'heure de la résolution qu'on fit prendre à la Conférence sur le différend suisse, ainsi que des autres résolutions publiées en son nom par le Conseil général. Avant d'y arriver, je veux achever de montrer dans toute leur beauté les agissements de la coterie marxiste : on va voir comment, en punition de l'opposition honnête et courageuse faite par Robin aux vilaines intrigues dont il avait dû, malgré son optimisme du début, constater la réalité, elle s'y prit pour l'expulser de ce Conseil général où Marx lui-même l'avait fait entrer un an auparavant.

Sept jours après la rédaction de la note reproduite ci-dessus, la lettre suivante, revêtue du timbre du Conseil général, était adressée à Robin :


Londres, 26 septembre 1871.

Citoyen, Votre lettre ayant été considérée par la Conférence comme injurieuse pour elle, la Conférence a décidé par un vote spécial, le 22 septembre, que vous seriez invité à retirer cette lettre, et qu'en cas de refus de votre part le Conseil général est appelé à statuer.

Le président de la séance : A. Serrallier.

Pour attestation, le secrétaire : Ch. Rochat.


Voici comment Robin raconte ce qui se passa à la suite de l'envoi de cette lettre :


Le soir, dans la séance du Conseil général, pour bien constater la préméditation d'épuration, j'offris verbalement la rectification que je reproduisis après la séance dans la lettre ci-dessous. Marx seul eut la parole, pour faire un récit animé de l'insulte que j'avais faite chez lui au compère Outine ; il ajouta qu'agir ainsi, c'était considérer la Conférence comme une farce (sic). Il faut en effet que j’aie été bien tenace pour conserver si longtemps quelque doute à ce sujet. Puis la docile assemblée remit l'affaire à un autre jour.

Voici ma lettre :


Au citoyen Serraillier.

En réponse à votre lettre de ce jour, j'offre au Conseil général d'ajouter, dans celle du 19, quelques mots qui montreront que la Conférence l'a mal interprétée. Après : en cause, j'ajoute : par un témoin dans la commission. Je refuse d'ailleurs absolument de retirer ma lettre. P. Robin.


En vérité telle avait été ma pensée en écrivant la lettre du 19 ; mais maintenant j'enveloppais dans un égal mépris le sieur Outine et ses compères Marx, Engels, Jung, Serraillier, et toute la série de leurs dupes. Il importait de le témoigner nettement à Marx, qui m'avait flatté au début, espérant sans doute me joindre à la clique de ses agents. Je lui écrivis :


5 octobre 1871.

Citoyen Marx, Je vous ai eu de très grandes obligations personnelles[1], qui me pesèrent peu tant que je crus que rien ne pourrait altérer la respectueuse amitié que j'avais pour vous. Aujourd'hui, ne pouvant subordonner ma conscience à ma recon-

  1. Lorsque Robin était arrivé à Londres avec sa famille, sans ressources, en octobre 1870, Marx lui avait avancé une somme de trois livres st. et demie (87 fr. 50) que Robin, ayant trouvé du travail, put lui rendre au bout de deux mois.