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même de l’armée prussienne, qui venait d’annexer à l’Allemagne deux provinces françaises, la Commune a annexé à la France le peuple travailleur du monde entier. »

Voilà une étonnante déclaration de principes, où Marx semble avoir abandonné son propre programme pour se rallier aux idées fédéralistes. Y a-t-il là une conversion réelle de l’auteur du Kapital, ou du moins un entraînement momentané auquel il a cédé sous le coup des événements ? ou bien était-ce de sa part une habileté, afin de recueillir, par une adhésion apparente au programme de la Commune, le bénéfice du prestige qui s’attachait à ce nom ? Cette adhésion, quel qu’en fût le mobile, est en bien étrange contradiction avec l’attitude que Marx allait prendre à la Conférence de Londres, et, un an plus tard, au Congrès de la Haye. Dans une lettre destinée au journal de Bruxelles la Liberté (datée du 5 octobre 1872, restée inédite, et publiée seulement en 1894 par les soins de Nettlau, dans la Société nouvelle de Bruxelles), Bakounine a écrit à ce propos :


L’effet de l’insurrection communaliste fut si formidable partout, que les marxiens eux-mêmes, dont toutes les idées avaient été renversées par cette insurrection, se virent obligés de tirer devant elle leur chapeau. Ils firent plus : à l’encontre de la plus simple logique, et de leurs sentiments véritables, ils proclamèrent que son programme et son but étaient les leurs. Ce fut un travestissement vraiment bouffon, mais forcé. Ils avaient dû le faire, sous peine de se voir débordés et abandonnés de tous, tellement la passion que cette révolution avait provoquée dans tout le monde avait été puissante.


Mais on n’est jamais trahi que par les siens. Une publication inattendue — qui a vu le jour depuis que cette page de mes Souvenirs a été écrite — nous a révélé ce que Marx pensait en réalité de la Commune et jusqu’à quel point son admiration était sincère. Le 9 novembre 1871, à un moment où il avait dû constater, à son vif déplaisir, que les réfugiés de la Commune, à Genève et Londres, refusaient de se courber sous son autorité, il écrivit à son ami Sorge, à New York, ces lignes incroyables, tout récemment publiées (1906) :


Et voilà ma récompense pour avoir perdu presque cinq mois à travailler pour les réfugiés, et pour avoir sauvé leur honneur par la publication de l’Address on the Civil War[1].


Marx sauvant l’honneur de la Commune !



XI


La Conférence de Londres (17-23 septembre 1871).


On lit dans le Mémoire de la Fédération jurassienne (p. 202) :


La Conférence de Londres siégea du [dimanche] 17 au [samedi] 23 septembre 1871. Elle était formée de vingt-trois membres, qui se décomposaient ainsi : six délégués belges [dont l’un était en même temps membre du Conseil général], deux délégués suisses, un délégué espagnol, treize membres du Conseil général nommés par ce Conseil, et un inconnu sans mandat.

  1. Dies der Dank dafür, dass ich fast fünf Monate in Arbeiten fur die Flüchtlinge verloren und durch die Address on the Civil War als ihr Ehrenretter gewirkt habe.