Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/515

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Enfin, mon dernier mot : cessons d’avoir honte de nous-mêmes, de notre droit, de notre principe ; n’ayons pas l’air de demander pardon d’exister ; ne faisons plus de lâcheté sous le prétexte de sauver l’union dans l’Internationale ; ne tuons pas l’âme de cette dernière sous le prétexte de faire vivre son corps. Ne cherchons pas notre force dans l’habileté et dans la diplomatie, où nous serons toujours les plus faibles parce que nous ne sommes pas des coquins. Luttons et triomphons au nom de notre principe.

Votre ami et frère, M. Bakounine.


Le jour même (le 6) où Bakounine écrivait cette lettre, les membres de la Section de l’Alliance, avec une inexplicable précipitation, tenaient une réunion à laquelle assistèrent un certain nombre de réfugiés français, et, après un discours de Joukovsky, qui raconta en détail l’histoire de l’Alliance, prononçaient la dissolution de leur Section. Joukovsky, leur négligent secrétaire, n’avait fait part à Bakounine ni de la lettre de Robin, ni de ma proposition, dont Bakounine n’avait connu l’existence que par moi ; et, après leur coup de tête, il resta plusieurs jours sans donner signe de vie : ce fut seulement le 9 qu’il me griffonna trois lignes au crayon, — qui me furent apportées par un camarade espagnol venu de Genève à Neuchâtel pour me rendre visite, — afin de m’apprcndre que la Section de l’Alliance était dissoute ; et il n’écrivit pas un mot à Bakounine, qui apprit la dissolution de la Section de l’Alliance le 12 seulement, par une lettre d’Ozerof (calendrier-journal).

Des extraits de cinq lettres écrites par moi à Joukovsky, les 10, 11, 15, 20 et 27 août, donneront des détails sur la suite de cette affaire, et sur quelques points concernant notre Fédération. Voici la première[1] :


Neuchâtel, 10 août 1871.

Mon cher Jouk,

Je t’écris par la même voie par laquelle j’ai reçu ton billet d’hier[2]... Les fameux comptes de la Solidarité sont-ils enfin envoyés à Schwitzguébel[3] ? Je sais qu’il t’a écrit dernièrement, mais j’ignore encore si tu lui as répondu. Je t’avais écrit par l’entremise de Perron une lettre fort indignée : te l’a-t-il communiquée ?

Quant à l’Alliance, je ne puis pas juger de ce que vous avez fait d’après tes trois lignes au crayon. Mais, dès maintenant, il me semble que vous êtes allés un peu vite. J’avais insisté pour que Michel fût consulté et pour qu’on lui envoyât la lettre de Robin. Or, d’après une lettre de Michel que j’ai reçue hier et que j’ai envoyée immédiatement à Perron pour qu’il la communique aux amis[4], il semble que Michel n’a rien reçu de vous, et qu’il n’a été instruit du projet de dissoudre l’Alliance que par moi. Tu verras, d’après sa lettre, qu’il différait d’opinion avec nous, et qu’il aurait voulu conserver le statu quo jusqu’au Congrès ; j’aurais aimé que vous attendiez sa lettre avant de prendre une décision, afin que son opinion pût être comptée et discutée.

Et maintenant que faites-vous ? J’espère qu’au moins pour cette affaire si grave, vous allez agir régulièrement. Il y a deux choses à faire tout d’abord :

  1. D’après l’original qui m’a été rendu en 1905 par Mme Joukovsky.
  2. C’est-à-dire par le camarade espagnol.
  3. Voir p. 156 le résumé de ma lettre du 26 juin, réclamant à Joukovsky les comptes de la Solidarité.
  4. C’est la lettre du 6 août, reproduite ci-dessus.