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mination ; j’attendais avec confiance une transaction, après laquelle j’aurais, je le pense, pu me rendre très utile pour l’organisation de l’enseignement intégral.

On comprend que pendant ce temps j’avais rarement pensé au différend entre les Sections de la Suisse. Depuis la guerre, aucune lettre, aucun journal ne m’était arrivé de ce pays. Cependant j’en avais vaguement causé une ou deux fois avec Marx comme d’un incident terminé, et, bien qu’il eût contre certaines personnes des préventions que je ne partageais pas, je ne voyais pas là sujet de lutte, et je comptais même sur son influence pour m’aider à apaiser le conflit, s’il renaissait. Ceci est tellement vrai que, quand mes relations d’ami avec Guillaume, interrompues par les événements, furent rétablies vers la fin de janvier [1871], je communiquai naïvement à Marx plusieurs lettres de cet ami. Ce fut alors qu’à plusieurs réponses équivoques je commençai à pressentir une hostilité systématique ; mais, plein d’une extrême confiance dans l’esprit de justice et la bonne foi de Marx, je refusais de croire aux indices les plus évidents.

Vers le mois de mars, le hasard me fit, au Conseil général, lire d’avance une lettre du secrétaire du Comité fédéral romand de Genève, H. Perret. Il y rendait compte d’une très orageuse séance publique à Genève, où les partisans et les ennemis de l’Alliance s’étaient fort malmenés. Ceux-ci s’appuyaient sur le témoignage de la citoyenne Élise[1], qui, revenant de Londres où elle avait été chargée de prendre des informations sur la question de l’Alliance, soutenait que cette société n’avait jamais été reconnue comme Section de l’Internationale. Un des membres de l’Alliance[2] avait alors tiré de sa poche deux lettres officielles du Conseil général constatant son admission. On avait répondu que ces pièces étaient fausses. Le secrétaire suisse[3] priait le Conseil général de lui faire connaître immédiatement la vérité.

Il y avait là un oui ou un non à répondre ; des hommes loyaux l’eussent envoyé courrier par courrier. Cinq semaines après, la lettre n’avait pas obtenu de réponse nette.

Je recevais presque en même temps, dans une lettre d’ami, le récit de cette nouvelle agression par la bande d’intrigants et de brouillons dont M. Outine est le chef[4]... Je répondis aussitôt et demandai la copie des deux lettres incriminées de faux[5]. Je les reçus après quelques retards[6]. Dans l’intervalle je m’inscrivis pour une interpellation à propos des affaires suisses. J’avais déjà sur Marx de très graves soupçons ; j’étais convaincu que c’était lui qui avait donné à Madame Élise les faux renseignements causes du désordre nouveau. Mais voulant être confiant jusqu’au bout, je parvins à me persuader qu’il avait été trompé, et je voulus remettre la question suisse en

  1. Madame Dmitrief.
  2. Joukovsky.
  3. C’est H. Perret que Robin désigne par ces mots.
  4. Ce n’est que dans la seconde moitié d’avril que j’appris, par Joukovsky, ce qui se passait à Genève, et ce n’est donc qu’à cette date que je pus en informer Robin.
  5. Ce fut vers le 10 juin que je reçus la lettre de Robin me demandant de lui envoyer une copie des lettres d’Eccarius et de Jung. Il s’était donc écoulé au moins un mois entre ma lettre de la fin avril et la réponse de Robin : l’adverbe « aussitôt » est donc inexact.
  6. Dus à l’absence de Joukovsky (voir ci-dessus, p. 156).