Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fis encore un supplément à l’Errata ; je tirai également une couverture rouge, portant le titre : L’Empire knouto-germanique et la Révolution sociale, Première livraison[1].

Je ne veux pas faire ici l’analyse détaillée de cette Première livraison[2], qui se compose de trois chapitres : un exposé, faisant suite aux Lettres à un Français, de la situation de la France dans l’automne de 1870 (pages 1-74) ; un second chapitre intitulé L’alliance russe et la russophobie des Allemands[3] traitant des rapports historiques entre la Russie et l’Allemagne (pages 74-97) ; enfin un troisième chapitre intitulé Histoire du libéralisme allemand (pages 97-119), qui est une sanglante satire de l’esprit et des actes de la bourgeoisie allemande.

Dans le second chapitre, Bakounine a, pour la première fois, pris directement à partie Karl Marx dans un écrit public. Après s’être moqué de certains patriotes allemands, qui attribuent à la Russie et à son influence la servitude dans laquelle l’Allemagne est tenue par ses princes, il dit dans une note :


J’avoue que j’ai été profondément étonné en retrouvant ce même grief dans une lettre adressée, l’an passé, par M. Charles Marx, le célèbre chef des communistes allemands, aux rédacteurs d’une petite feuille russe qui se publiait en langue russe à Genève[4]. Il prétend que si l’Allemagne n’est pas encore démocratiquement organisée, la faute en est seulement à la Russie. Il méconnaît singulièrement l’histoire de son propre pays... A-t-on jamais vu une nation inférieure en civilisation imposer ou inoculer ses propres principes à un pays beaucoup plus civilisé, à moins que ce ne soit par la voie de la conquête ? mais l’Allemagne, que je sache, n’a jamais été conquise par la Russie... Ce serait vraiment un acte beaucoup plus digne d’un excellent patriote allemand et d’un démocrate socialiste sincère, comme l’est indubitablement M. Charles Marx, et surtout bien plus profitable pour l’Allemagne populaire, si, au lieu de chercher à consoler la vanité nationale, en attribuant faussement les fautes, les crimes et la honte de l’Allemagne à une influence étrangère, il voulait bien employer son érudition immense pour prouver, conformément à la justice et à la vérité historique, que l’Allemagne a produit, porté et historiquement développé en elle-même tous les éléments de son

  1. J’ai entre les mains les factures et différentes lettres relatives à l’impression de cette brochure. La facture de l’Imprimerie coopérative, du 19 avril 1871, s’élevait à 500 fr., savoir : 480 fr. pour 8 feuilles à 1.000 exemplaires (à 60 fr. la feuille, prix légèrement majoré, dit la facture, » en raison de la copie presque illisible »), et 25 fr. de surcharge pour les notes. Cette facture fut payée par Ozerof, tant avec l’argent recueilli par Ross qu’avec celui que dut fournir Ogaref. Une seconde facture de l’Imprimerie coopérative, de 134 fr. (32 fr. pour pliage et partie du brochage, etc., 102 fr. pour composition non employée) fut réduite ensuite à 89 fr. La facture de Neuchâtel était de 84 fr. (24 fr. pour couverture, 30 fr. pour les deux Errata, 30 fr. de brochage). Il restait donc à payer 173 fr. ; cet argent fut envoyé de Munich par un étudiant russe, Alexandre Sibiriakof. — Bakounine aurait désiré imprimer immédiatement une seconde livraison de 8 feuilles, dont je fis le devis, s’élevant à 512 fr. au lieu de 678 fr. qu’avait coûtés la première ; mais Sibiriakof écrivit 12 juin que ses ressources étaient momentanément épuisées et qu’il ne pouvait rien promettre.
  2. En voici le titre complet : sur la couverture, L’Empire knouto-germanique et la Révolution sociale, par Michel Bakounine. Première livraison, Genève, chez tous les libraires, 1871 : — et sur la première page, à l’intérieur, La Révolution sociale ou la dictature militaire, par Michel Bakounine : Genève, Imprimerie coopérative, rue de Carouge, 8, 1871. La brochure forme un volume in-8o de 119 pages.
  3. Ce titre, qui existe dans le manuscrit, a été omis dans la brochure imprimée, et l’Errata a négligé de le rétablir.
  4. Le journal d’Outine.