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Ducarre, qui affirme que les internationaux ont tenu dernièrement à Genève, sous la présidence de l’ambassadeur de Prusse, un conciliabule dans lequel les socialistes auraient promis d’incendier Lyon moyennant une somme payée par Bismarck... Le drapeau rouge flotte sur l’hôtel de ville de Paris. Les socialistes ont occupé le télégraphe. Les élections pour la Commune ont dû avoir lieu mardi 21 mars[1]. La population, dans sa très grande majorité, appuie le mouvement. Tout fait prévoir que, si les socialistes savent profiter de leur victoire, l’ère des républiques européennes n’est pas éloignée.


Au sujet de Lyon, où une tentative d’insurrection s’était produite, la Solidarité racontait ce qui suit :


Le peuple lyonnais n’a pas manqué de suivre l’exemple que vient de lui donner le peuple de Paris. Dans la nuit du 22 au 23 mars une révolution a éclaté. La garde nationale s’est emparée des forts de la Croix-Rousse, des Brotteaux et de la Guillotière. L’armée, démoralisée suivant M. Thiers, moralisée suivant nous, fraternise avec le peuple. Le délégué de Paris[2] a proclamé du haut du balcon de l’hôtel de ville l’installation de la Commune révolutionnaire, aux acclamations du peuple. La Commune de Lyon, unie à celle de Paris, jette les bases de la fédération des communes révolutionnaires. Le Comité provisoire, installé à l’hôtel de ville et composé de onze menbres, compte dans son sein cinq de nos amis : Gaspard Blanc, Parraton, Perret (dit Petit-Perret), Tissot, et Garel, ancien secrétaire du Comité de salut public. Si la mort ne nous avait pas enlevé, il y a quelques jours, notre digne ami Palix, il figurerait sans doute parmi les membres les plus intelligents et les plus dévoués du Comité provisoire de Lyon[3].

La Commune est proclamée à Saint-Étienne, à Bordeaux, et, d’après nos renseignements particuliers, probablement à Brest, à Toulouse, à Grenoble et à Marseille.


Une lettre de Marseille, du 17 mars, écrite par Alerini, disait :


L’Internationale a subi ici, comme ailleurs, les effets de la guerre : elle s’est passablement désorganisée : les uns sont partis comme francs-tireurs, d’autres furent mis dans la garde nationale mobilisée, d’autres enfin dans la ligne. À présent que tous ces citoyens rentrent, l’Association se réorganisera... Il y a ici un mécontentement général ; les vivres augmentent et le travail manque ; la misère approche à grands pas. Il faut s’attendre à une révolution : une circonstance fortuite peut, malgré tous et malgré tout, mettre le feu aux poudres. Un mouvement prématuré nous ferait plutôt du mal que du bien. Mais que voulez-vous ! Les bourgeois ont beau dire que ce sont les meneurs qui produisent les mouvements, ces misérables comprendront-ils enfin que c’est la force des choses qui fait éclater les révolutions ?


En terminant, sous la rubrique Belgique, la Solidarité citait un article publié par l’Union socialiste, organe des mineurs, paraissant à Verviers, où il était dit, à propos de la paix que venait de signer Thiers : « Non, pas

  1. On voit combien les nouvelles étaient incertaines.
  2. Albert Leblanc.
  3. On remarquera qu’il n’est pas question d’Albert Richard. Nous le regardions déjà comme suspect, et d’ailleurs il s’était tenu prudemment à l’écart de la bataille.