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serait fini. Jacot quitta Paris le lundi matin, et s’en revint nous apporter cette réponse.

Cependant F. Buisson était revenu de Paris, le 24 ou le 20, pour chercher sa famille. Il ne parlait plus de m’emmener ; et d’ailleurs, vu l’opposition de mon père, la possibilité pour moi de quitter l’imprimerie dépendait maintenant du retour de mon frère, qui prolongeait son séjour à Paris et semblait ne pas se soucier de revenir. Dans les derniers jours de mars, Buisson repartit pour Paris. Son orphelinat, qui lui adopté, pendant la Commune, par la municipalité du 17e arrondissement, survécut aux terribles journées de Mai, traversa la réaction versaillaise, et, transféré ensuite à Cempuis, devint l’origine de celui que possède encore dans ce village de l’Oise le département de la Seine et qui fut de 1880 à 1894 dirigé par Paul Robin.


Le premier numéro de la nouvelle série de la Solidarité parut enfin le 28 mars à Genève, à l’imprimerie Czerniecki. Il aurait paru une dizaine de jours plus tôt, sans les événements du 18 mars et des jours suivants ; événements qui obligèrent la rédaction à retarder la mise sous presse du journal et à en remanier la mise en pages pour pouvoir donner les nouvelles qui arrivaient coup sur coup.

Le premier article du numéro, écrit par Schwitzguébel, était intitulé : Coup d’œil historique sur la situation de la Fédération romande durant les quelques mois qui viennent de s’écouler. J’en ai utilisé le contenu pour la rédaction de quelques-unes des pages du chapitre iv de cette Troisième partie. Venaient ensuite des détails sur les publications de propagande éditées par la commission centrale de vente constituée dans la Section du district de Courtelary, et le rapport de la commission chargée, par le Congrès de Saint-Imier, de la vérification des comptes de la Solidarité. Le morceau central du numéro était un exposé intitulé La situation de l’Europe, que j’avais rédigé en m’aidant, pour certaines parties, de notes remises par Joukovsky, Je le reproduis tout entier, parce que, la brochure d’actualité que nous avions projeté de faire paraître n’ayant pas été publiée, cet exposé est le seul témoignage qui subsiste de la façon dont nous appréciions les événements qui s’étaient déroulés du 4 septembre à la capitulation de Paris :


La situation en Europe[1].

Pendant ces six mois où nous avons été condamnés au silence, se sont accomplis les plus graves événements qu’ait vus le monde depuis la Révolution de 1789. Nous avons souffert cruellement, tandis que nous voyions les ouvriers allemands protester courageusement contre une guerre atroce et inique, tandis que les ouvriers français faisaient les derniers efforts pour sauver la liberté de leur pays, tandis que les ouvriers belges, anglais, espagnols, manifestaient de toutes parts dans leurs journaux et dans leurs réunions les sentiments que leur inspiraient les péripéties de la guerre, — nous avons souffert cruellement, disons-nous, de nous voir à ce moment-là même privés de tout moyen d’énoncer publiquement notre opinion, et d’être obligés de laisser ceux des membres de nos Sections internationales qui ne recevaient pas de renseignements directs dans l’isolement le plus complet, et n’ayant d’autre lecture que celle des feuilles bourgeoises, qui avaient organisé contre le socialisme un système de calomnies aussi habile que perfide.

Aujourd’hui enfin nous possédons de nouveau un organe : la voix

  1. Cet article a été écrit avant le 18 mars.