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Il monta dans le salon, et prit d’abord une attitude insolente. Esquiros vint lui tendre la main ; Gent l’accueillit froidement et d’un air dédaigneux ; Esquiros se retira aussitôt. À ceux qui lui parlaient d’entente et de conciliation, Gent répondit : « Le pouvoir est un, et c’est moi. Je ne tolérerai personne ni au-dessus ni à côté de moi. » Les têtes commençaient à se monter. Bastelica se présenta comme délégué de la Commune révolutionnaire. « La Commune ! qu’est-ce que c’est que ça ? s’écria Gent. — Avant de répondre, répliqua Bastelica, je dois vous dire qu’elle a arrêté et destitué le directeur du télégraphe, et qu’elle m’envoie auprès de vous pour que vous nommiez son successeur. — Écrivez, dit Gent à son secrétaire : Ordre de remettre immédiatement en liberté le directeur du télégraphe, sous réserve de poursuivre les auteurs de son arrestation. » Et il remet l’ordre au directeur de la paix, Bellevant, qui refuse de l’exécuter et donne sur-le-champ sa démission. Gent envoie alors son frère chercher une voiture. À la porte, on refuse de le laisser sortir. Gent veut y aller lui-même. On l’arrête. Il rentre furieux. On s’apostrophe vivement. Un coup de feu malheureux part, Gent tombe blessé. Heureusement, disent les uns, malheureusement, disent les autres, il n’a pas eu grand mal. Il est à peu près guéri en ce moment.

Ce n’en a pas moins été un coup mortel pour la révolution. On essaie de cacher cette nouvelle, mais elle se répand rapidement. Le soir, par ordre de la Commune, le pseudo-général Nicolas est arrêté. Des gardes nationaux de sa légion l’apprennent. Quelques gardes civiques passent en voiture. On croit que ce sont eux qui ont arrêté Nicolas, on fait feu sur eux, et on les blesse ou les tue tous. Un des blessés arrive au poste et raconte ce qui se passe. Ceux qui s’y trouvent se rendent aussitôt sur le lieu de l’événement. De la rue et des croisées on fait feu sur eux. Ils font une charge à la baïonnette, et sont accueillis par de nouveaux coups de feu. Ils font alors un feu de peloton, et gardes nationaux et passants tombent. Le nombre des morts et des blessés, nous n’avons pu le savoir exactement ; il est peut-être moins considérable qu’on ne croit.

Il y avait en ce moment séance dans deux réunions publiques. On vient y annoncer le conflit. On propose de courir aux armes et de se rendre immédiatement à la Commune pour en protéger les membres, ou à la préfecture. C’est approuvé aux cris de : « Oui, tous, tous ! » Je vais prendre mon fusil et je cours à l’hôtel de ville. Sais-tu combien nous étions au rendez-vous ? Trente ! ! ! Nous gardâmes toute la nuit l’hôtel de ville, et, si peu que nous fussions, la réaction n’osa pas venir nous déloger. La Commune rendit à minuit un arrêté qui convoquait les électeurs pour procéder à l’élection d’un administrateur supérieur [la nomination de Gent n’étant pas reconnue par la Commune].

Le lendemain [3] cependant, les défenseurs accoururent en assez grand nombre à la préfecture. La réaction de son côté s’arma. Vers trois heures, les bataillons réactionnaires occupèrent les rues qui avoisinent la préfecture. Le 3e s’empara du palais de justice, où la Commune allait établir une Commission judiciaire. Le 8e garda le Cours Longchamp et empêcha d’y circuler. Le 4e vint se placer en face même de la préfecture, et à un moment donné nous nous couchâmes en joue avec ce bataillon. Enfin on parlementa. On convint qu’on déposerait les armes, et que chacun rentrerait chez soi. Ce ne fut