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et Joukovsky, un mouvement allait se produire. À la nouvelle de la capitulation de Metz, le peuple se souleva, réclama la création d’une Commune révolutionnaire ; et comme le général de la garde nationale, Marie, résistait, quelques milliers d’ouvriers envahirent la préfecture et proclamèrent la Commune (31 octobre). Alphonse Gent fut alors envoyé par le gouvernement de Tours pour remplacer Esquiros, qui avait donné sa démission ; et les intrigues de la réaction eurent raison en quelques jours de cette velléité de révolte qu’avait manifestée le prolétariat marseillais : le 4 novembre, l’hôtel de ville était réoccupé par les bataillons de la bourgeoisie.

Une lettre écrite par Alerini à Bakounine, le 9 novembre 1870, donne un récit détaillé de ces événements, auxquels il avait pris une part très active. Je la reproduis ci-dessous, d’après une copie faite de ma main en janvier 1871 :


... Je reprends les faits d’un peu loin. Je ne sais si tu as connaissance d’un vote d’une réunion publique blâmant le Conseil municipal du refus de voter 800.000 fr. pour achat d’armes, que lui avait demandés Esquiros, alors qu’il venait d’allouer 20.000 fr. pour deux statuettes à placer dans les niches de la façade d’une église. On prononça même, dans cette réunion, la dissolution du Conseil municipal, et l’on procéda à son remplacement en nommant par acclamation une Commune révolutionnaire en grande partie composée de membres du Comité révolutionnaire. En même temps on se montrait de plus en plus indisposé contre les bourgeois dont l’égoïsme financier ne faisait qu’augmenter, et l’on se promettait d’avoir de l’argent pour faire la guerre, d’une manière ou de l’autre : l’emprunt forcé ou la réquisition étaient les moyens les plus goûtés, et l’on comptait sur la nouvelle Commune pour les mettre à exécution.

Tel était l’état des choses lorsque arriva la nouvelle de la trahison de Bazaine et de la capitulation de Metz. La colère et la haine s’emparèrent de tous, et ne firent qu’accroître les dispositions révolutionnaires du peuple. Esquiros et Delpech [le préfet] se montrèrent disposés à les seconder. Voici comment les événements se succédèrent depuis lors.

Dès que la terrible nouvelle se répandit, — c’était le dimanche [30 octobre], je crois, — on décida qu’on ferait une manifestation. Le Comité révolutionnaire était d’accord pour cela avec la préfecture. On se réunit au siège du Comité révolutionnaire ; et de là, précédé d’un drapeau noir et d’un tambour voilé, et suivi d’une foule immense, le Comité, après avoir parcouru ainsi nu-tête les rues de la ville, arriva à la préfecture, sur le balcon de laquelle il planta le drapeau funèbre. Esquiros parut, et, dans un discours patriotique, promit au peuple de l’armer, et de se mettre à la tête de la population pour repousser l’ennemi.

Sur ces entrefaites, Gambetta fut averti des dispositions des deux fonctionnaires qui étaient à la tête du département. Il échangea avec eux des dépêches très vives. Il qualifia Esquiros de factieux , et celui-ci lui répondit : « Vous êtes le gouvernement de la lâcheté et de l’ineptie. Je donne ma démission. »

Le lendemain matin lundi [31 octobre], le Comité révolutionnaire se rendit de bonne heure à la préfecture, et de là, avec l’assentiment de l’autorité, il se rendit à l’hôtel de ville, précédé d’un nouveau drapeau noir et suivi de nouveau d’une foule immense. Là il forma