encore à ce moment une des moitiés de l’ancienne Fédération romande, une fédération nouvelle, qui prendrait le nom de Fédération jurassienne[1]. Cette proposition fut écartée comme prématurée : on espérait que le Congrès général, dont la tenue avait été empêchée en 1870 par la guerre, pourrait en 1871 mettre fin à la scission et rétablir la Fédération romande sur ses anciennes bases[2]. »
Le Mémoire ajoute : « Après leur Congrès de Saint-Imier, les internationaux du Jura, de plus en plus absorbés par les événements de France, cessèrent complètement de s’occuper de leurs adversaires du Temple-Unique et du Conseil général ».
En quittant Lyon, Bakounine, accompagné de Lankiewicz, s’était, comme je l’ai dit, rendu à Marseille. Il espérait que les Marseillais agiraient, et même qu’un nouveau mouvement serait encore possible à Lyon. On trouve l’expression de cette espérance dans une lettre qu’il écrivit de Marseille, le 8 octobre, à son jeune ami Emilio Bellerio, lettre qui contient en outre un récit sommaire de la journée historique du 28 septembre. Après avoir prié Bellerio d’aider Mme Bakounine, dans le cas où elle viendrait à manquer d’argent, il continue en ces termes :
Et maintenant parlons de mes aventures en particulier, et en général des affaires de la France. Je vous ai envoyé plusieurs exemplaires de notre proclamation rouge. Vous avez lu aussi dans le journal, avec plus ou moins d’invectives contre ma pauvre personne, d’ailleurs habituée à les recevoir, le récit plus ou moins véridique de notre première (pas dernière) tentative à Lyon, le 28 septembre. Le fait est que le commencement a été magnifique. Nous avons été les maîtres de la situation. Malgré la résistance de la garde nationale bourgeoise, appuyés par le peuple, d’abord désarmé et plus tard accouru en armes, nous nous étions emparés de l’hôtel de ville. Pourquoi n’y sommes-nous pas restés ? demandez-vous. Ah ! ce fut la faute de l’inexpérience révolutionnaire de plusieurs de nos amis, qui se laissèrent amuser par de bonnes paroles, tandis qu’il fallait agir, sans écouter les promesses des réactionnaires qui, se voyant battus, promirent tout, et plus tard ne tinrent rien ; mais surtout par la faute du général Cluseret, pour ne point dire par sa lâcheté et sa trahison. Il avait accepté du Comité vainqueur le commandement de l’hôtel de ville et des gardes nationaux républicains qui l’entouraient en masse et qui étaient avec nous. Voulant plaire en même temps aux bourgeois et au peuple, il laissa entrer secrètement les premiers dans l’hôtel de ville, tandis que les gardes républicains, croyant la victoire définitive, commencèrent à se débander. C’est ainsi que le Comité se vit inopinément entouré d’ennemis. J’étais là avec les amis, leur disant à chaque instant : « Ne perdez pas de temps en vaines discussions ; agissez, arrêtez tous les réactionnaires. Frappez la réaction à la tête. » Au milieu de ces beaux discours, je me vois enveloppé par les gardes nationaux bourgeois, conduits par un des plus forts réactionnaires de Lyon, le maire lui-même, M. Hénon. Je me débattis, mais on m’entraîna et je me vis enfermé dans un trou, après avoir été passablement maltraité. Une heure plus tard, un bataillon de corps-francs, mettant en fuite les gardes bourgeois, vint