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veaux ; il y avait encore huit cents grévistes à nourrir, et les ressources s'épuisaient. Le conflit économique n'empâchait pas les citoyens-ouvriers genevois de prendre intérêt aux choses de la politique locale ; et, comme le peuple de Genève devait être consulté, le dimanche 10 juillet, sur une loi que venait d'élaborer la majorité conservatrice du Grand-Conseil, les socialistes firent campagne avec les radicaux contre la loi proposée. J'eus la naïveté de m’en étonner, et voici l'article que je publiai à ce sujet dans la Solidarité (16 juillet) :


Le Journal de Genève nous a apporté une singulière nouvelle.

La bourgeoisie radicale de Genève a remporté dimanche dernier, comme on sait, une grande victoire : La nouvelle loi sur les circonscriptions électorales, œuvre du parti conservateur, a été rejetée dans la votation populaire par une majorité de six cents voix.

Cette majorité est due, paraît-il, à l'alliance de la bourgeoisie radicale avec l'Internationale.

Voici les propres paroles que le Journal de Genève met dans la bouche d'un membre bien connu de l'Internationale, Grosselin, qui les aurait prononcées dans une assemblée populaire tenue sur la Treille :

« M. Grosselin proclame que l'alliance est désormais cimentée entre le parti radical et l'Internationale, et il remercie chaudement les radicaux de ce que, grâce à leur puissant concours, le socialisme est à cette heure solidement implanté à Genève ».

Nous aimons à croire que ces paroles attribuées à Grosselin sont une de ces calomnies auxquelles le Journal de Genève nous a habitués. Aussi attendons-nous de Grosselin un démenti formel, et de l'Internationale genevoise une protestation éclatante qui répudiera énergiquement toute alliance avec un parti politique bourgeois.

Le premier principe de l'Internationale, celui qui constitue son essence même et sa raison d'être, c'est que l'affranchissement des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes.


Naturellement, le démenti et la protestation ne vinrent pas, car le discours de Grosselin était authentique. Ce qui vint, non de Genève, mais de Londres, — ce qui était déjà venu au moment où j'écrivais les lignes ci-dessus, — ce fut une résolution du Conseil général nous annonçant que ce Conseil, s'étant érigé en juge du conflit qui s'était produit au Congrès de la Chaux-de-Fonds, nous avait condamnés ; le Conseil général nous rappelait en même temps à notre devoir, qui était, nous disait-il, de nous conformer aux Statuts généraux en ce qui concernait la participation au mouvement politique.

C'est dans son numéro du 23 juillet que la Solidarité publia le document qui, dans la pensée de Marx, devait mettre un terme à la scission en affirmant que le bon droit était du côté des hommes du Temple-Unique. Voici le texte de la lettre du Conseil général :


Le Conseil général au Comité fédéral siégeant à la Chaux-de-Fonds.

Considérant :

Que, quoique une majorité de délégués, au Congrès de la Chaux-de-Fonds, ait nommé un nouveau Comité fédéral romand, cette majorité n'était que nominale ;

Que le Comité fédéral romand, à Genève, ayant toujours rempli ses obligations envers le Conseil général et envers l'Association internationale des travailleurs, et s'étant toujours conformé aux