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porte-voix du peuple indigné ; il y aurait eu toute sorte de considérations qui auraient engagé Grosselin, conseiller d'État, à garder dans la question de la grève une stricte neutralité. Et s'il ne l'eût pas fait, s'il eût cru de son devoir de parler, sa parole n'aurait certainement pas eu la même signification ni la même influence. Venant d'un membre du gouvernement, elle eût éveillé certaines méfiances ; venant d'un ouvrier, l'assemblée a été unanime à en applaudir l'indépendance et la vérité.

Ainsi, nous croyons avoir le droit de féliciter Grosselin de n'avoir pas fait partie du gouvernement : la voix d'un ouvrier libre et courageux, parlant au nom de cinq mille hommes, a été d'un plus grand poids dans la balance que n'aurait pu l'être la bonne volonté de tout un Conseil d'État.

Encore une remarque. Les ouvriers genevois ont fait, le 7 juin, une manifestation du genre de celles que nous recommandions dans la Solidarité. C'est là, à nos yeux, la seule manière digne pour les travailleurs d'intervenir dans la politique.

Et qu'on ne dise pas que cette manifestation est restée infructueuse. Elle n'a pas empêché les gros patrons de faire la grève qu'ils avaient annoncée, mais elle a fait réfléchir les petits patrons, et les a décidés à ne pas suivre leurs collègues dans la voie insensée où ceux-ci se sont engagés. La manifestation a prouvé au gouvernement que les ouvriers genevois étaient décidés à maintenir leur droit, qu'ils ne se laisseraient pas assommer par la police, ni intimider par les baïonnettes d'un bataillon fédéral. Enfin, — et ce n'est pas son résultat le moins remarquable, — elle a fait taire le Journal de Genève.


Le Congrès annuel du parti de la démocratie socialiste ouvrière d'Allemagne avait eu lieu à Stuttgart du 4 au 7 juin, et il avait adopté, concernant la politique, les résolutions suivantes : « Le parti de la démocratie socialiste ouvrière ne participe aux élections du Reichstag et du Parlement douanier que dans un but de propagande et d'agitation. Les représentants du parti au Reichstag et au Parlement douanier doivent agir autant que possible dans l'intérêt de la classe ouvrière, mais ils doivent, comme règle générale, observer une attitude purement négative (negirend sich verhalten), et profiter de toutes les occasions pour faire comprendre le néant des délibérations de ces deux assemblées et montrer qu'elles ne sont qu'une pure comédie. Le parti de la démocratie socialiste ouvrière ne fait d'alliance ou de compromis avec aucun autre parti. Mais le Congrès recommande aux membres du parti, lorsque le parti ne peut présenter lui-même des candidats ouvriers, de donner leurs voix à des candidats qui acceptent, du moins sous le rapport politique, notre programme dans ses traits essentiels. Le Congrès recommande également, dans les circonscriptions où le parti renonce à présenter des candidats pour son compte, de donner sa voix à des candidats présentés par d'autres partis socialistes, pourvu que ce soient bien réellement des candidats ouvriers. »

La Solidarité (9 juillet), après avoir reproduit ces résolutions, ajouta cette réflexion :


Ces résolutions sur la politique diffèrent totalement des nôtres ; et cependant, nous n'hésitons pas à le dire, l'esprit qui les anime nous semble être le même que celui des membres de la majorité [collectiviste] du Congrès romand, malgré ce qui au premier coup d'œil paraît séparer les deux tendances. Nous croyons du reste que,