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la refuser, soit de faire un cas de guerre de son admission par une majorité momentanée, et de se diviser pour cela. »

Quant au Volksstaat, ce fut seulement quatre ans plus tard, après la ruine définitive de l’ancienne organisation ouvrière genevoise, qu’il se décida à porter un jugement sévère sur les « individualités prétentieuses et nulles » à l’impéritie desquelles ce résultat était dû : « Ce sont ces mêmes hommes — lit-on dans le Volksstaat du 13 mars 1874 — qui ont montré durant des années, à la tête de l’ex Fédération romande, leur incapacité administrative ; ce sont les mêmes qui, par leur folie et leur maladresse, ont amené la rupture avec les socialistes du Jura, et qui ont travaillé ensuite de tout leur pouvoir à la rendre plus complète. » En enregistrant cet aveu tardif, le Bulletin de la Fédération jurassienne (numéro du 22 mars 1874) le commenta en ces termes : « Ainsi le Volksstaat qui, lors de la malheureuse scission de 1870, s’était fait le prôneur et l’allié des intrigants de Genève, et avait accueilli si complaisamment toutes leurs calomnies contre nous, le Volksstaat fait aujourd’hui son meâ culpâ : le voilà qui déclare publiquement que ce ne sont pas les Jurassiens qui avaient les torts, mais que la rupture a été amenée par la folie et la maladresse des incapables qui dirigeaient la Fédération romande. Que vont en dire les anciens meneurs du Temple-Unique ? Juste retour, messieurs, des choses d’ici-bas ! »


J’avais déclaré au Congrès, on l’a vu, que je ne faisais pas partie de la Section de l’Alliance : et j’ajoute ici, à ce sujet, quelques explications. Joukovsky avait apporté à la Chaux-de-Fonds une prétendue liste de membres de la Section de l’Alliance habitant les Montagnes, auxquels il était chargé de réclamer leurs cotisations arriérées. Je figurais sur cette liste. Je lui expliquai que c’était une erreur, que ni moi, ni aucun autre international du Locle n’avions jamais consenti à faire partie de la Section de l’Alliance ; et que, si nous avions déclaré — comme nos amis de Belgique — approuver le programme théorique de cette association, nous nous étions formellement refusés soit à constituer au Locle une Section spéciale de l’Alliance, soit à nous affilier à la Section de Genève. Joukovsky dut rayer de sa liste les noms loclois. Mais elle contenait aussi les noms de six camarades du Val de Saint-Imier, Adhémar Schwitzguébel, Adamir Diacon, Eugène Lœillet, Louis Cartier, Alfred Jeanrenaud, et Henri Lassueur, qui, eux, avaient adhéré à la Section de l’Alliance de Genève le 23 septembre 1869[1]. Un fragment d’une lettre écrite par moi à Joukovsky seize mois plus tard, le 11 août 1871[2], au moment de la dissolution de la Section de l’Alliance de Genève, fait allusion à notre conversation d’avril 1870, et précise ma position et celle de mes amis du Locle à l’égard de la Section de l’Alliance de Genève ; le voici :


Je persiste à ne pas me considérer comme membre de votre Section de l’Alliance, et je suis sûr que les amis du Locle en diront autant. Rappelle-toi mon étonnement au Congrès de la Chaux-de-Fonds, quand tu m’as appris que j’étais inscrit sur vos listes. Je n’ai jamais payé un centime de cotisation.

Voici, une fois pour toutes, les faits.

J’ai reçu, je ne sais trop à quelle époque, — en tout cas c’était dans ce fameux hiver entre le Congrès de Bruxelles et celui de Bâle, — des programmes de l’Alliance. Je m’en suis servi pour fonder au Locle un groupe secret au sein de l’Internationale ; mais nous n’avions aucunement l’idée de faire partie de votre Section de l’Alliance : nous voulions simplement unir par un lien plus intime les

  1. Nettlau, Biographie de Bakounine, p. 309.
  2. Reproduit par Nettlau, p. 280.