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plus parler de lui, il reparaît en Suisse. Là il se joint non pas à l’Internationale, mais à la Ligue de la paix et de la liberté. Après le Congrès de cette Ligue (Genève, 1867), Bakounine s’introduit dans le Comité exécutif de celle-ci, mais il y trouve des adversaires qui non seulement ne lui permettent aucune influence « dictatoriale », mais encore le surveillent comme suspect au point de vue russe. Peu après le Congrès de Bruxelles (septembre 1868) de l’Internationale, la Ligue de la paix tient son Congrès à Lausanne[1]. Cette fois Bakounine se pose en firebrand[2], et — soit dit en passant[3] — dénonce la bourgeoisie occidentale du ton sur lequel les optimistes [sic] moscovites ont coutume d’attaquer la civilisation occidentale pour pallier leur propre barbarie. Il propose une série de résolutions qui, ridicules en elles-mêmes, sont calculées pour inspirer l’effroi aux crétins bourgeois et pour permettre à Monsieur Bakounine de sortir avec éclat de la Ligue de la paix et d’entrer dans l’Internationale. Il suffit de dire que son programme proposé au Congrès de Lausanne[4] contient des absurdités comme l’égalité[5] des classes, l’abolition de l’héritage comme début de la révolution sociale, etc. : des bavardages vides de sens, un chapelet de phrases creuses, qui prétendent être terribles, bref une insipide improvisation, qui n’était calculée qu’en vue de produire un certain effet momentané. Les amis de Bakounine à Paris (où se trouve un Russe co-éditeur de la Revue positiviste) et à Londres annoncent au monde la sortie de Bakounine de la Ligue de la paix comme un événement[6] et présentent son grotesque programme, cette olla podrida de lieux communs usés, comme quelque chose d’extraordinairement effroyable et original.

Bakounine était sur ces entrefaites entré dans la Branche romande[7] de l’Internationale (à Genève). Il avait fallu des années pour qu’il se décidât à faire ce pas ; mais il ne fallut pas un jour pour que Monsieur Bakounine résolût de bouleverser l’Internationale et de la transformer en son instrument.

Derrière le dos du Conseil général — qui fut renseigné seulement lorsque tout sembla prêt — il fonda l’Alliance des démocrates socialistes[8]. Le programme de cette Société n’était autre chose que celui que Bakounine avait présenté au Congrès de la paix de Lausanne[9]. La Société s’annonçait ainsi dès le début comme une société destinée

  1. Lire : « à Berne ». Marx semble, en certaines occasions, avoir été atteint d’une infirmité spéciale qui le mettait dans l’impossibilité de reproduire exactement les mots ou les faits qu’il voulait citer. On en a déjà vu des exemples dans la « Communication privée » ; la Confidentielle Mittheilung en fournit de plus nombreux encore.
  2. En anglais dans le texte. Firebrand signifie « boute-feu ».
  3. En français dans le texte.
  4. Lire : « de Berne ».
  5. Marx substitue — est-ce à dessein ou sans s’en apercevoir ?— le mot égalité au mot égalisation (voir p. 74).
  6. En français dans le texte.
  7. En français dans le texte.
  8. Il faut lire : « l’Alliance de la démocratie socialiste ».
  9. Lire : « de Berne ».