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organisation est toute donnée : ce sont les ateliers et la fédération des ateliers, la création des caisses de résistance, instruments de lutte contre la bourgeoisie, et leur fédération, non seulement nationale, mais internationale, la création des chambres de travail comme en Belgique.

Et quand l'heure de la révolution aura sonné, vous proclamerez la liquidation de l'État et de la société bourgeoise, l'anarchie, c'est-à-dire la vraie, la franche révolution populaire, l'anarchie juridique et politique et la nouvelle organisation économique de bas en haut et de la circonférence aux centres.

Et, pour sauver la révolution, pour la conduire à bonne fin au milieu même de cette anarchie, l'action d'une dictature collective de tous les révolutionnaires, non revêtue d'un pouvoir officiel quelconque et d'autant plus efficace, l'action naturelle, libre, de tous les socialistes énergiques et sincères disséminés sur la surface du pays, de tous les pays, mais unis fortement par une pensée et par une volonté communes[1].


Le 1er avril suivant, écrivant de Genève à Richard, Bakounine lui demandait :


As-tu bien lu et fait lire à nos amis principaux toute la lettre que je t'ai envoyée par Schwitzguébel, surtout la seconde partie, la conclusion ? Je tiens beaucoup à recevoir votre réponse bien précise à cette conclusion[2].


Lorsque Schwitzguébel revint de Lyon, il me parla d'Albert Richard en des termes qui me firent voir que son jugement était défavorable, comme avait été le mien.

Dans le courant de mars 1870, les Sections parisiennes résolurent de faire imprimer une nouvelle édition des Statuts généraux de l'Internationale. Robin, qui dès son arrivée à Paris avait pris une part active au mouvement, et qui avait été accueilli fraternellement par les militants, en particulier par Varlin (puisque celui-ci faisait partie de notre organisation intime), fut chargé de surveiller cette impression. Paul Lafargue, le gendre de Marx, s'était fixé à Paris peu de temps avant, et cherchait à nouer des relations avec les hommes les plus marquants du groupe parisien[3] ; ayant su que Robin avait à lire les épreuves des statuts, il lui signala les différences qui existaient entre le texte anglais et le texte français, et lui proposa diverses modifications à ce dernier texte[4]. Robin, « sans plus amples recherches », fit ce que désirait Lafargue ; entre autres modifications, il rédigea le troisième alinéa des considérants en ces termes : « Que, pour cette raison, l'émancipation économique des classes ouvrières est le grand but auquel tout mouvement politique doit être subordonné comme un simple moyen ». Aux yeux de Robin, l'introduction, dans la

  1. Texte collationné par Nettlau.
  2. Texte collationné par Nettlau.
  3. Malon m'a raconté plus tard comment Lafargue l'invita à déjeuner, et, l'ayant présenté à sa femme, lui dit avec emphase : « C'est la fille de Karl Marx. — Karl Marx, dit Malon, un peu confus de ne pas connaître celui dont on lui parlait, je crois avoir entendu ce nom-là. N'est-ce pas un professeur allemand ? — Mais non, c'est l'auteur du livre Das Kapital, — et Lafargue alla chercher le gros volume. Vous ne connaissez pas ce livre là ? — Non. — Est-ce possible ? Vous ne savez donc pas que c'est Marx qui mène le Conseil général ? » (Bulletin de la Fédération jurassienne, 15 juin 1872).
  4. Robin a narré cette historiette dans son « Mémoire justificatif » de 1872 ; je ne l'ai apprise qu'alors.