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Bruxelles, et rompant avec tous les moyens termes, toutes les demi-mesures, et donnant enfin à l'Internationale un programme positif ;

Les socialistes allemands démasquant Schweitzer, et envoyant en masse leur adhésion à l'Association internationale ;

L'Espagne et l'Italie devenant des foyers d'active propagande ;

La Russie préparant une révolution qui sera, dans l'histoire, le pendant de celle de 1793 ;

Paris se prononçant hardiment pour l'idée collectiviste, qui trouve un puissant organe dans la Marseillaise ;

Enfin, chez nous, le travail d'organisation marchant avec une rapidité toujours croissante ; les ouvriers, détachés entièrement des partis politiques, ne cherchant plus leur salut que dans l'Internationale ; les paysans aussi commençant à remuer ; et tout ce mouvement s'accomplissant avec un ensemble admirable, sans ostentation, sans fanfares, sans grands mots, dans un esprit de sérieux opiniâtre qui triomphe de toutes les difficultés.

Voilà le bilan de l'année écoulée.

Ne nous endormons pas. Nous avons fait beaucoup de chemin, mais il nous en reste encore plus à faire. Tant que le dernier village n'aura pas sa Section de l'Internationale, tant que chaque corps de métier n'aura pas sa caisse de résistance, notre organisation ne sera pas complète.

À d'autres les fêtes. Travaillons !


Et maintenant il me faut revenir encore aux affaires russes.

Vers 1807, un Russe socialiste, Bakhmétief, avait mis en dépôt entre les mains de Herzen et d'Ogaref une somme de vingt-cinq mille francs, pour être employée à la propagande et à l'action révolutionnaire en Russie[1]. Une partie de cet argent avait déjà été versée à Netchaïef en 1869. Par la mort de Herzen, Ogaref était resté l'unique dispensateur du « fonds Bakhmétief » ; Bakounine résolut de décider son vieil ami à remettre la totalité de ce capital au Comité révolutionnaire russe représenté par Netchaïef. Bakounine projetait en outre de constituer un bureau russe d'informations, se donnant pour mission de répandre dans le public toutes les nouvelles arrivant de Russie ; il voulait aussi reprendre la publication du Kolokol, l'ancien journal de Herzen, en russe et en français. Les lettres de Bakounine à Ogaref, publiées dans la Correspondance, contiennent au sujet de ces projets de nombreux détails ; on y voit que Bakounine avait songé un moment à se fixer à Zurich avec Ogaref, et à faire de cette ville le centre de la propagande révolutionnaire russe. Dans sa lettre du 21 février 1870 il lui dit : « Il faut émigrer à Zurich. Il m'est absolument impossible de m'établir à Genève ; tu le sais et tu le comprends toi-même... Il paraît que mon affaire va enfin s'arranger d'accord avec Boy [Netchaïef] et Cie. Je leur ai franchement exposé les conditions dans lesquelles je pourrais me donner à cette cause. J'ai vaincu en moi toute fausse honte, et leur ai dit tout ce que je devais dire. Ils seraient stupides s'ils ne voulaient pas consentir à accepter les conditions que je leur ai posées ; et s'ils ne trouvaient pas moyen d'y satisfaire ils feraient preuve d'incapacité et d'impuissance. » Quinze jours plus tard, il se décidait à faire le voyage de Genève, en empruntant pour cela quatre-vingts francs à Emilio Bellerio, un jeune Tessinois avec la famille duquel il s'était

  1. On trouve des indications à ce sujet dans les œuvres posthumes de Herzen publiées à Genève en 1871.