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Peut-être les dignes correspondants étaient-ils même de la bande ? Mais non, au fait, ce doivent être de vieux trembleurs qui ménagent leur peau.

Quand on a dans ses antécédents un guet-apens aussi abominable, Union libérale, on devrait se taire et se cacher à tout jamais.

Pour nous, républicains socialistes, qui voulons la révolution, nous la voulons en plein jour. Nous combattons à poitrine découverte et non en nous cachant traîtreusement dans l'ombre. Nous proclamons nos principes à nos risques et périls, dans nos journaux, dans nos meetings, et lorsque le peuple les aura compris et voudra les réaliser, nous irons les proclamer sur la place publique. Mais jusque-là, les trembleurs de l’Union peuvent se rassurer : nous laissons les coups de main nocturnes aux assassins de Jeanne Bessert[1] !

Mais il est temps de placer sous les yeux de nos lecteurs le texte de l'Appel aux ouvriers qui a mis en si grand émoi la rédaction de l’Union libérale.


Voici ce document subversif :


« Travailleurs !

« Par l'exemple du présent et du passé, comprendrez-vous que patrons, économistes, bourgeois, gouvernants, sont incapables d'organiser rationnellement votre travail ? Parfois on vous excède d'heures supplémentaires, mais plus souvent encore on vous rogne votre journée, et par suite votre salaire. On vous déclare, il est vrai, que vous êtes libres de partir, libres de mourir tout à fait de faim au lieu d'être simplement privés d'une partie de votre nécessaire.

« Ouvriers de l'Univers, si vous voulez cesser de souffrir de l'excès de fatigue ou de privations de toute sorte, organisez-vous.

« Par l’Association Internationale des Travailleurs, l'ordre, la science, la justice remplaceront le désordre, l'imprévoyance et l'arbitraire. »


Croirait-on qu'une proclamation aussi innocente, aussi pacifique, pût être la cause du cri d'épouvante jeté par l’Union ?

Mais réfléchissez donc un peu, Union libérale. Cet Appel n'a absolument rien que de très permis, que de très légal. Nous trouvons, pour notre part, l'idée excellente, et nous en profiterons : nous allons faire tirer à plusieurs milliers d'exemplaires des placards du même genre, et nous les afficherons dans toutes les communes, en plein midi, et cela avec l'approbation des autorités.

Vous avez bien, vous autres mômiers, des agents qui n'ont d'autre occupation que de distribuer sans relâche des quantités innombrables de brochures religieuses au public incrédule, qui les utilise de différentes façons.

Pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, faire de la propagande en faveur de nos idées ? Faut-il crier au meurtre parce que nous

  1. Jeanne Bessert était une pauvre femme, mère d'enfants en bas-âge, qu'un fuyard royaliste avait tuée d'un coup de fusil le 3 septembre 1856.