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En même temps le Progrès reproduisait des articles de Millière, extraits de la Marseillaise (1er et 8 janvier), publiait des études de Virginie Barbet et d’Albert Richard (15, 22, 29 janvier, 5 et 12 février), réimprimait (12 février) un fragment du discours prononcé en 1863 par De Paepe au meeting de Patignies, où se trouvait la célèbre invocation à l’An-archie:« An-archie, rêve des amants de la liberté intégrale, idole des vrais révolutionnaires, longtemps les hommes t’ont calomniée et indignement outragée; dans leur aveuglement, ils t’ont confondue avec le désordre et le chaos, tandis qu’au contraire le Gouvernement, ton ennemi juré, n’est qu’un résultat du désordre social, du chaos économique, comme tu seras, toi, le résultat de l’ordre, de l’harmonie, de l’équilibre, de la Justice… Que ton règne arrive, An-archie ! »


Le samedi 15 janvier, Robin était venu me voir à Neuchâtel. Dès ce moment, sa résolution était prise de quitter Genève pour aller se fixer à Paris ; et avant son départ il avait désiré s’entretenir avec moi de la situation, tant en France qu’en Suisse. Selon son habitude, il avait apporté plein ses poches des petites proclamations de propagande, gommées au verso, dont il était l’inventeur ; et le soir, en se promenant avec moi dans les rues de la petite ville, il s’amusa à les coller aux murs de quelques édifices publics et aux portes d’un certain nombre de maisons. Le lendemain matin, l’émoi fut grand, dans une partie de la population, quand on lut ces petits papiers ; un bon bourgeois, effrayé, — c’était, me dit-on, un banquier, Albert Bovet, — écrivit au journal conservateur de l’endroit, l’Union libérale, pour lui signaler le péril que faisaient courir à l’ordre social les placards incendiaires de l’Internationale ; un autre proposa que des chefs fussent nommés d’avance en vue de la répression de toute tentative révolutionnaire. Ces terreurs nous égayèrent, et je les raillai dans l’article suivant du Progrès (29 janvier 1870) :


Les braves de l’Union libérale.

L’Union libérale, organe des conservateurs de Neuchâtel-ville, a publié dans son numéro du 20 courant une correspondance tout à fait extraordinaire, et qui mérite les honneurs d’une publicité internationale.

Nous reproduisons ci-dessous ce morceau remarquable :


« Monsieur le Rédacteur,

« Samedi soir, une main inconnue a placardé contre un grand nombre de portes de maisons de la ville un appel de la Société internationale aux travailleurs, engageant ces derniers à se tenir prêts et leur annonçant la fin prochaine de leurs souffrances.

« Sans attacher à ce fait une importance exagérée, ne doit-on pas l’envisager comme un avertissement dont les amis de l’ordre feront bien de tenir compte ?

« Supposons une révolution à Paris, et les événements de ces derniers jours sont là pour nous prouver que le fait est possible, il suffira d’une cinquantaine d’individus déterminés et organisés pour désarmer la police, arrêter les autorités cantonales et municipales, et faire en quelques heures un mal incalculable.

« Je me demande dès lors s’il ne serait pas convenable que les amis de l’ordre s’entendent et s’organisent, de manière qu’à la première tentative ils soient en mesure de réprimer énergiquement l’anarchie et le pillage.

« N’est-il pas probable que les fauteurs de désordres sont orga-