Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L'Irlande est pour le gouvernement anglais le seul prétexte pour entretenir une grande armée permanente, qui, lorsqu'il est nécessaire, est lâchée contre les ouvriers anglais, ainsi qu'on l'a vu, après s'être transformée en Irlande en une soldatesque. Enfin l'Angleterre nous montre aujourd'hui ce que l'ancienne Rome nous a montré sur une échelle colossale. Le peuple qui en tient un autre sous le joug forge ses propres chaînes.]

La position de l'Association internationale vis-à-vis de la question irlandaise est donc très nette ; notre premier besoin est de pousser la révolution en Angleterre : à cet effet, il faut frapper le grand coup en Irlande[1].

[Les résolutions du Conseil général sur l'amnistie irlandaise doivent servir d'introduction à d'autres résolutions qui déclarent que, abstraction faite de toute justice internationale, c'est une condition préalable de l'émancipation de la classe ouvrière anglaise que de transformer l'union forcée actuelle — c'est-à-dire l'esclavage de l'Irlande — en une alliance égale et libre, si la chose est possible ; en une séparation complète, s'il le faut.

Enfin, les doctrines de l’Égalité et du Progrès] sur la connexion ou plutôt la non connexion entre le mouvement social et le mouvement politique n'ont jamais, à ce que nous sachions, été canonisées par aucun de nos Congrès. Elles sont contraires à nos statuts. On y lit : « That the economical émancipation of the working classes is therefore the great end to which every political movement ought to be subordinate as a means » (« Que l'émancipation économique des classes laborieuses est dorénavant la grande fin à laquelle tout mouvement politique doit être subordonné comme moyen »). Ces mots as a means (« comme moyen ») ont été supprimés dans la traduction française faite en 1864 par le Comité de Paris. Interpellé par le Conseil général, le Comité de Paris s'excusa par les misères de sa situation politique[2]. Il y a d'autres mutilations des textes authentiques. Le premier considérant des statuts est ainsi conçu : « The struggle for the émancipation of the working class means... the struggle for equal rights and duties and the abolition of all class rule » (« Le combat pour l'émancipation de la classe ouvrière signifie... le combat pour les droits et les devoirs égaux et l'abolition de tout régime de classe ») ; la traduction parisienne reproduit « les droits et les devoirs égaux », c'est-à-dire la phrase générale, qui se trouve à peu près dans tous les manifestes démocratiques depuis un siècle, et qui a un sens différent dans la bouche des différentes classes, mais elle supprime la chose concrète, « the abolition of all class rule » (l'abolition des classes). Encore dans

  1. Cité par Testut.
  2. C'est la première fois qu'il est question, depuis 1864, de ces mots qui sont devenus fameux. « comme un moyen » (as a means), à propos desquels on s'est tant querellé plus tard. Nous ignorions absolument, quant à nous, que le texte anglais du considérant en question contînt trois mots qui ne se trouvaient pas dans le texte français ; et, comme les rééditions du 1er janvier 1870 ne nous avaient pas été communiquées, ce détail ne nous fut révélé qu'en 1871.