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aurions peut-être commis la faute de répondre publiquement à la question que nous pose l’Égalité relativement à cette séparation[1] [, en disant « pourquoi le Conseil général s'impose ce cumul de fonctions si fâcheux »]. L'Angleterre ne doit pas être simplement traitée comme un pays auprès des autres pays : elle doit être traitée comme la métropole du capital[2].

[5. Question sur les résolutions du Conseil général au sujet de l'amnistie irlandaise.

Si l'Angleterre est le boulevard du landlordisme et du capitalisme européen,] le seul point où l'on puisse frapper le grand coup contre l'Angleterre officielle, c'est l'Irlande[3].

[D'abord, l'Irlande est le boulevard du landlordisme anglais. S'il tombe en Irlande, il faut qu'il tonbe aussi en Angleterre.] En Irlande, l'opération est cent fois plus facile, parce que la lutte économique y est concentrée uniquement sur la propriété foncière[4] [parce que cette lutte y est en même temps une lutte nationale], et parce que le peuple y est plus révolutionnaire et plus exaspéré qu'en Angleterre[5]. [Le landlordisme en Irlande n'est maintenu que par l'armée anglaise. À l'instant même où l'union forcée entre les deux pays cessera, une révolution sociale, quoique dans des formes vieillies, éclatera en Irlande. Le landlordisme anglais ne perdra pas seulement une grande source de ses revenus, mais aussi sa plus grande force morale, celle d'être le représentant de la domination de l'Angleterre sur l'Irlande. D'un autre côté, le prolétariat anglais rend ses landlords invulnérables en Angleterre même, aussi longtemps qu'il maintient leur puissance en Irlande[6]

  1. Cité par Testut (L'Internationale, pièce K, p. 237 de la 2e édition).
  2. Cité par Nettlau. — Tout ce paragraphe est très remarquable ; si nous l'eussions connu à l'époque, nous n'aurions pas manqué de trouver les raisons de Marx excellentes. Je dois cependant faire deux observations. D'abord, je tiens à constater que l'idée de demander au Conseil général de se décharger de l'administration des affaires particulières de la Grande-Bretagne sur un Conseil régional anglais est une idée qui fut mise en avant par le seul Robin : le Progrès n'a jamais exprimé d'opinion sur une question qui lui paraissait n'être pas de la compétence des Sections du continent ; et Bakounine, dans une lettre que je citerai tout à l'heure (p. 269) qualifie d’injuste, d'apolitique et d'absurde la critique adressée par Robin aux « préoccupations anglaises » du Conseil général. En second lieu, on ne peut s'empêcher d'être quelque peu surpris de voir que les raisons qui, au commencement de 1870, paraissaient à Marx et à ses amis d'un si grand poids, n'avaient plus de valeur pour eux l'année suivante, puisqu'en 1871 la Conférence de Londres, par sa résolution XII, invita le Conseil général « à aviser les branches anglaises de Londres de former un Comité fédéral pour Londres, lequel, après s'être mis en rapport avec les branches provinciales et les sociétés de résistance affiliées, et après avoir reçu leur adhésion, sera reconnu par le Conseil général comme Conseil fédéral anglais ».
  3. Cité par Testut.
  4. Cité par Testut.
  5. Cité par Testut.
  6. Je crois pouvoir omettre ici sans inconvénient un long passage relatif à la position des ouvriers irlandais en Angleterre et en Amérique. Je dois faire remarquer d'ailleurs, comme on la déjà vu, que le Progrès en reproduisant les résolutions du Conseil général relatives à l'Irlande, bien loin de les critiquer, avait déclaré « qu'il s'y associait en plein » ; et que l’Égalité s'était bornée à dire qu'elle aimerait à recevoir une explication qui fît comprendre l'opportunité de ce manifeste.