Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Travaillons, socialistes, à notre œuvre de liberté et de justice, sans nous mêler aux préoccupations politiques des partis hostiles ; et laissons radicaux et conservateurs laver leur linge sale en famille.


Dans le même numéro du Progrès, j'écrivais encore ceci à l'adresse du journal radical de la Chaux-de-Fonds. qui venait d'adresser un appel à la jeunesse :


Le National suisse appelle à lui les jeunes gens d'une voix éplorée.

Vous l'avouez donc, radicaux, les jeunes gens ne sont pas avec vous. Vous leur adressez, depuis bien des années, des appels pathétiques, auxquels ils s'obstinent à faire la sourde oreille.

Que voulez-vous ! C'est si peu récréatif de lire le National, d'admirer le génie des grands hommes du parti, et d'assister aux assemblées de la Patriotique ! Si vous voulez qu'on vous suive, tâchez donc d'offrir à la jeunesse un programme un peu moins assommant.

Les jeunes gens qui tiennent à faire fortune, à se créer ce qu'on appelle un avenir, ceux qui croient au bon Dieu et qui nous flétrissent, nous autres, du nom de matérialistes, — ceux-là vont aux conservateurs. Ils se font pasteurs ou négociants ; ils constituent ce monde de la finance et de la religion où le parti vert a recruté la plus grande partie de ses adeptes ; ils sont égoïstes, mais ils sont intelligents, et c'est pourquoi ils ne se font pas radicaux.

Quant à ceux qui ont des instincts généreux, qui sont capables de dévouement et d'enthousiasme, ils ne veulent pas davantage du radicalisme, ou, s'ils ont suivi sa bannière un moment, ils l'ont bien vite désertée. Ceux-là sont avec nous. Ils voient que le radicalisme est incapable de rien faire pour le peuple ; qu'il ignore volontairement les questions sociales ; qu'aujourd'hui même, en plein régime radical, la réaction contre la libre pensée et la libre parole se montre aussi insolente et aussi arbitraire qu'elle pourrait l'être sous le gouvernement des vieilles cadenettes royalistes. Et ils sont socialistes, parce que le socialisme seul peut satisfaire l'honnête homme qui a la passion de la liberté, de légalité et de la justice.

Le radicalisme pourra faire quelques recrues parmi les petits crevés qui hantent les cafés élégants et d'autres lieux encore. Nous ne les lui envions pas.

Mais, par la force même des choses, tout jeune homme intelligent et vraiment républicain, quand même il serait encore aujourd'hui sous la férule des magisters radicaux, doit venir à nous dans un temps donné. Le malentendu que le National, en calomniant à tort et à travers, avait réussi à faire naître, disparaît de jour en jour ; et lorsque le socialisme aura rallié tout ce que notre jeunesse compte d'éléments capables et énergiques — et ce jour sera bientôt là — alors ... on verra !


J'ai dit le rôle considérable qu'avait joué dans le canton de Neuchâtel, pendant l'hiver 1868-1869, la question religieuse, et comment les socialistes avaient appuyé le mouvement du protestantisme libéral. Cette question continuait à occuper les esprits, et le Progrès eut à y revenir à plusieurs reprises dans l'automne de 1869. Il y avait, dans les opinions des socialistes des Montagnes à cet égard, quelques nuances, qu'on trouvera marquées dans des articles successifs du Progrès sortis de trois plumes différentes. Voici, d'abord, en quels termes je parlai de la séparation de l'Église et de l'État, qui se trouvait placée à l'ordre du jour du Grand-Conseil neuchâtelois (n° 23 du Progrès, 13 novembre 1869) :