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C'est ce vulgaire personnage, menteur et vaniteux, que Perron et Robin avaient pris en tiers dans le journal et dans leur propagande :


Et pourtant — ajoute Bakounine — le jour même de mon départ je les avais suppliés encore de se bien garder de ce petit intrigant. Moi qui le connaissais, je savais ce qu'il valait et ce qu'il voulait. Perron me répondit « qu'il fallait s'occuper des principes et non des personnes ». Je haussai les épaules et je me tus. Je voudrais savoir ce qu'il en pense maintenant : qui de nous deux avait raison, lui ou moi ?

XIII


Les deux derniers mois de 1869. À Genève, apaisement apparent. Propagande active dans le Jura suisse. Articles du Progrès, n° 22 et 23 (30 octobre et 13 novembre). Élection du Conseil d'État à Genève (14 novembre). Affaires générales : Aubin (8 octobre), élection de Rochefort à Paris (21 novembre), la Marseillaise. Le Progrès devient hebdomadaire (27 novembre). Mon voyage à Lyon avec Sentiñon (4 décembre). Progrès de l'Internationale dans tous les pays. Suite de la propagande dans le Jura. Fautes commises par Robin comme rédacteur de l’Égalité, nouvelles querelles à Genève (novembre-décembre). La Tagwacht à Zurich (décembre), ma lettre à Murat ; lettre que m'écrit Varlin (Progrès du 1er janvier 1870).


J'ai parlé des assemblées générales du mercredi, au Temple-Unique, à Genève. Dans celle du 3 novembre, Outine, revenant sur son discours de la semaine précédente, qui avait provoqué une réplique de Bakounine, déclara que les idées qu'il avait exposées n'avaient pas été comprises : il essaya de se poser en révolutionnaire, en disant qu'il croyait, lui aussi, qu'une révolution sociale violente était inévitable, mais qu'il fallait la préparer par l'organisation ouvrière ; et il lut des résolutions tendant à organiser sur le modèle des Trades Unions les sociétés de résistance suisses. Perron et Robin appuyèrent Outine. Un autre membre exposa un projet de fédération internationale des sociétés d'un même métier. Une commission fut nommée pour étudier les divers projets. Perron donna ensuite lecture d'un projet pour l'organisation de la propagande, rédigé par Robin ; on y lisait entre autres : « Nous conseillons de répandre à profusion, d'afficher partout, de courtes proclamations, toujours terminées par l'adresse des groupes auprès desquels les travailleurs trouveront tous les renseignements désirables... Nous voyons que, pour maintenir les superstitions qu'ils exploitent, les prêtres de toutes les sectes répandent des médailles, des images ; nous aussi, répandons-en à profusion, et sachons vaincre nos ennemis en employant leurs propres armes... Fabriqués avec intelligence sur une grande échelle, ces petits engins si puissants sont d'un bon marché incroyable : proclamations à 15 ou 20 centimes le cent, médailles à 2 ou 3 centimes au plus, grandes lithographies à 10 centimes, petites à 1 centime... Il faut que tout homme qui a vraiment à cœur le progrès de nos doctrines achète de ces produits débités à un prix accessible aux plus petites bourses, et qu'il les emploie largement. » L'assemblée adopta ce projet à l'unanimité. Dans les réunions suivantes, 10, 17 et 24 novembre, 1er décembre, on parla de la coopération — à propos de laquelle Outine cita de nouveau l'exemple des sociétés anglaises, qui, après avoir commencé avec des versements de 1 shilling par mois, possédaient maintenant des millions — et du crédit : l'idée fut émise, le 1er décembre, au nom des trois commissions qui avaient été chargées d'étudier les trois questions des sociétés de résistance, de la coopération, et du crédit, de verser tous les fonds qui « dormaient » dans les caisses de résistance des sociétés ouvrières genevoises (140.000 fr. environ) dans une caisse centrale unifiée, chargée à la fois de créditer les diverses entreprises des travailleurs et de soutenir