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livres et papiers. J'y passai trois jours. Le samedi soir, j'assistai à une réunion des trois Sections de l'Internationale (Section centrale, Section des graveurs, Section des guillocheurs). « Fritz Robert est venu de la Chaux-de-Fonds, écrivais-je. Nous avons fait un rapport sur le Congrès de Bâle. Grand enthousiasme. » Et je racontais ainsi l'emploi des deux jours suivants :


Hier matin dimanche, j'ai travaillé à faire mes paquets et à débrouiller les comptes du Progrès ; l'après-midi, des internationaux sont venus avec leurs femmes et leurs enfants m'inviter à faire une promenade. Nous sommes allés à une ferme à une lieue d'ici, près des Brenets, qu'on appelle la Caroline, et nous n'en sommes revenus qu'à huit heures du soir, en chantant comme des bienheureux... Mes malles ont été longues à remplir : il y avait un tas de livres et de papiers. J'en ai laissé une bonne partie au Locle, vieux papiers et journaux ; le reste remplit quatre malles. Sans des amis qui ont quitté leur ouvrage pour m'aider, qui ont perdu toute la journée de lundi, et qui m'ont prêté des malles, je n'en serais jamais venu à bout. On m'a fait partout, même chez les bourgeois, l'accueil le plus sympathique. Je ne peux pas te répéter tout ce que j'ai entendu, même de la bouche de gens que je croyais mes ennemis... L'Internationale fait des progrès énormes. Maintenant nos Montagnes et le Jura bernois sont complètement gagnés à la cause socialiste. Neuchâtel-ville commence aussi à bouger. Je ne crains qu'une chose, c'est que les Français ne fassent leur révolution en ce moment : cela dérangerait notre propagande pacifique. Enfin, allons toujours de l'avant (Lettres des 27 et 29 septembre 1869.)


Le 4 octobre, je reçus de Bakounine la lettre suivante, que je transcris en entier :


Ce 3 octobre 1869. Genève.
Chemin du Vieux-Billard, 40, chez M. Dams.

Bien cher ami. Il est décidé que je quitterai Genève dans quinze jours, c'est-à-dire le 17 à peu près, et que j'irai passer l'hiver à Lugano (c'est un secret ; je dis à tout le monde que j'irai soit en Italie, soit à Barcelone, soit même en France). Mais avant d'aller à Lugano, je veux passer une semaine entière près de toi et avec toi. Maintenant, comment le faire sans dépenser trop d'argent et sans te compromettre ? Malheureusement ma stature ne se prête pas beaucoup à l'incognito. Dois-je tout simplement m'arrêter dans un petit hôtel ou une pension à Neuchâtel ? Alors, si on sait mon nom, chacun de mes pas sera espionné, et, comme je me propose de rencontrer avec toi les amis principaux des Montagnes plusieurs fois, nos réunions pourraient attirer l'attention publique, ce qui certainement ne servira pas beaucoup nos projets. Comment faire ? Invente quelque chose. Combine mon arrivée et mon séjour près de toi avec tes convenances personnelles : car ne m'as-tu pas dit que tu devais te marier bientôt[1] ? Depuis que nous nous sommes séparés, je n'ai eu absolument aucune nouvelle de toi. Et tu n'étais pas encore bien établi, et tu avais beaucoup d'affaires désagréables sur les bras. Quelle a été la solution et la fin de tout cela ? Cela m'intéresse beaucoup, parce que je t'aime. Je ne veux pas quitter le pays avant de

  1. Mon mariage ont lieu le 14 octobre.